Il y aurait un conflit d'intérêts dans le secteur des économies d'énergie : les principaux producteurs et fournisseurs d'énergie sont aussi les principaux maîtres d'œuvre des économies d'énergie dans les bâtiments. C'est la conclusion d'une enquête menée par nos confrères de Médiapart, parue ce lundi 18 mai, qui pointe le double jeu de ces entreprises. Explications.

"Peut-on vendre tout et son contraire dans un contrat ?". C'est la question que pose, après une longue enquête publiée ce lundi 18 mai, le journal Médiapart. Il met ainsi le doigt sur un éventuel conflit d'intérêts dans le secteur des économies d'énergie, dans lequel les principaux énergéticiens joueraient un double jeu.

 

Un conflit d'intérêts qui, selon nos confrères, menace la politique française de lutte contre le changement climatique. Car, il s'avère que EDF et Engie (ex-GDF-Suez) sont les plus importants producteurs et fournisseurs d'énergie, mais aussi désormais les principaux maîtres d'œuvre des économies d'énergie dans les bâtiments. Comme si un industriel du tabac menait une politique pour combattre l'usage de la cigarette…

Stratégie de concentration verticale

Ce constat est aujourd'hui notamment dénoncé par les acteurs de la commande publique, donc les collectivités, qui se disent inquiètes devant ce double jeu. Mais ont-ils le choix ? Quand on analyse le marché des services énergétiques*, la réponse est sans appel : EDF et Engie remportent 78% des contrats, principalement pour les collèges, piscines, bâtiments communaux et autres maisons de retraite, constate Médiapart. Peu de place à la concurrence donc. Car, pour faire front face à l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence, EDG et Engie ont adopté une stratégie de concentration verticale. Pour résumer, Engie a regroupé sous l'entité Cofely, une série de PME spécialisées telles Elyo, Ineo, Axima ou Savelys, a également mis la main sur des acteurs des énergies renouvelables comme la Compagnie du Vent. De son côté, EDF détient Dalkia et a développé EDF Energies Nouvelles.

Schizophrénie ?

Médiapart met l'accent sur la problématique des réseaux de chaleur, où opèrent en majorité Dalkia et Cofély. "C'est le grand écart permanent, indique le quotidien. Le premier règne sur les réseaux de chaleur et est en même temps bénéficiaire de contrats d'économie d'énergie, activité qu'il souhaite développer. Peut-on vendre tout et son contraire dans un même contrat ?". Engie n'est pas en reste, lui qui attaque sans cesse les énergies renouvelables, alors qu'il est présent sur ce marché. Schizophrènes les énergéticiens ? Médiapart renchérit : "(…) leur culture professionnelles est encore entièrement tournée vers la production et la fourniture d'électricité et de gaz, alors que pour transformer les bâtiments en sites d'économie d'énergie, il faudrait être obsédé par la baisse de la demande". Corinne Bord, vice-présidente de la région Ile-de-France, enfonce le clou : "Celui qui fournit l'énergie ne peut pas être celui qui entretient les chaudières".

 

Quelle issue ? "Il est urgent de séparer la fourniture d'énergie de la prestation d'efficacité énergétique", soutient la Coalition France pour l'efficacité énergétique (CFEE) dans les colonnes de Médiapart. Mais aussi que les contrats de performance énergétique ne comprennent pas de vente d'énergie non renouvelable. Une demande qui ne trouve pas d'écho à ce jour, précise le quotidien, alors même que débute, ce mardi 19 mai, l'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi sur la Transition énergétique

 

Contacté ce jour, EDF n'a pas souhaité commenter ces dires. Engie n'a pas répondu à notre demande.

 

*Etude empirique menée par des professionnels du secteur sur une centaine d'appels d'offres publics, entre 2012 et 2014, portant sur les marchés de services énergétiques.

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