Jean-Marc Ayrault l'a annoncé vendredi soir : la limitation du régime concernera seulement le secteur du bâtiment. Une déclaration qui survient après les nombreuses polémiques dues au mouvement de contestation lancé sur Internet par les "poussins" et de la décision des représentants des auto-entrepreneurs de l'intervention d'un médiateur.

"Ce qui est proposé, c'est que lorsqu'un auto-entrepreneur dans le bâtiment s'installe, au bout de deux ans, si son entreprise est viable, il rejoint le droit commun", a déclaré M. Ayrault à quelques journalistes à Annonay dans l'Ardèche, vendredi en début de soirée. "Pour tous les autres (...), il n'y a pas d'inquiétude à avoir", a-t-il ajouté au micro de l'AFP.

 

"Le travail de longue haleine de notre organisation a payé !, s'est réjoui Patrick Liébus, interrogé par Batiactu. Le Premier ministre reconnaît implicitement que le secteur du bâtiment doit être mieux encadré". S'il avoue être déçu pour les autres secteurs, le président de la Capeb ne cache pas son soulagement et sa joie suite à cette décision. Et de nous confirmer que la limitation dans le temps sera bien de deux ans.

 

Rappel des faits.
Il y a quelques jours, Sylvia Pinel annonçait son intention de limiter dans le temps la possibilité d'user du régime de l'auto-entrepreneur (AE). Une période de deux ans était ainsi évoquée. Puis, cette semaine, elle déclarait au quotidien Les Echos, vouloir instaurer un abaissement du plafond de chiffre d'affaires pour les seules activités secondaires. "C'est encore à l'état de discussion, mais le plafond atteindrait 10.000 € annuel pour les services et 27.000 € pour les commerçants", indiquait-elle.

 

Double effet guillotine
C'en est trop pour l'Union des auto-entrepreneurs qui propose donc l'intervention d'un médiateur pour débloquer la situation. Pour la Fédération des auto-entrepreneurs, elle "serait bienvenue à la condition que le projet de loi s'appuie sur les conclusions du rapport de l'IGF et de l'IGASS jusqu'ici inexploitées alors qu'elles constituent une base de concertation et de travail la plus objective possible". Et d'ajouter : "C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Jusqu'à présent le gouvernement a justifié la limitation dans le temps par le renforcement des mesures d'accompagnement. Avec l'abaissement du seuil de chiffre d'affaires, on a un double effet guillotine. Et techniquement, c'est une usine à gaz", renchérit Grégoire Leclercq, président de la Fédération des auto-entrepreneurs, dans les colonnes des Echos. Et de s'en prendre à la ministre elle-même, qui, selon eux, serait obligé de donner des gages aux artisans, comme on le sait, très hostiles au régime des AE. "Le bâtiment ne représente que 12% des auto-entreprises", fustige Grégoire Leclercq.

 

Calmer le jeu et... remplacer Sylvia Pinel
Avec la montée en puissance des "poussins" - dont la pétition en ligne a déjà rassemblé plus de 10.000 signatures, selon Les Echos, le mouvement pourrait donc prendre de l'ampleur. Pour tenter d'éteindre le feu, Bernard Cazeneuve, ministre du Budget, a tenu, dans la journée de vendredi, à rassurer les professionnels : "Nous n'allons pas toucher au statut des auto-entrepreneurs (…) mais faire en sorte que ce dispositif soit stabilisé, sécurisé, amendé à la marge. Mais il n'est pas question de le remettre en cause". Cependant, il n'a pas évoqué les modifications envisagées…

 

Dans un communiqué, la Fédération des Auto-Entrepreneurs demande au Premier ministre que "Sylvia Pinel soit dessaisie du dossier au profit de Fleur Pellerin, ministre en charge des PME dont le portefeuille représente 80 % de la population auto-entrepreneuriale". Ainsi que la tenue d'une réunion de travail "le plus rapidement possible", voire "dans les heures à venir" au vue de l'ampleur de la mobilisation emmenée par la FEDAE également à l'origine du mouvement des poussins.

 

Les artisans du bâtiment en guerre contre une "concurrence déloyale légalisée"
Patrick Liébus, président de la Capeb, s'est exprimé plus tôt dans la journée de vendredi, dans une tribune : "Quand il y a concurrence déloyale légalisée, il y a deux manières de régler le problème : soit toutes les entreprises sont auto-entrepreneurs à zéro charges, soit toutes les entreprises sont au régime de droit commun". Et d'insister : "Dans le seul secteur de la construction, la loi a consacré la protection du consommateur : qualifications préalables pour exercer les métiers du bâtiment, obligation d'assurance décennale, agrément des entreprises intervenant dans des milieux susceptibles de contenir de l'amiante, de l'électricité, etc. Où en est-on du respect de ces obligations par le régime des auto-entrepreneurs ?". Prenant au mot les défenseurs du régime qui mettent en avant le risque d'accroissement du chômage en cas de réforme, il ajoutait : "Si les auto-entrepreneurs sont la solution pour l'emploi, alors pourquoi les chiffres du chômage ne diminuent-ils pas ?".
"Nous pourrions demander, nous aussi, qu'on rétablisse l'égalité des droits et devoirs en exonérant les artisans de TVA, en forfaitisant un faible niveau de charges sociales et fiscales. Mais ce ne serait ni sérieux, ni responsable, ni citoyen. Rendre la vie de l'entreprise artisanale simple : oui ! Mais certainement pas simpliste ! L'égoïsme du court terme l'emportera-t-il sur les ambitions sociales et économiques de notre pays à plus long terme ? L'artisanat du bâtiment ne peut plus le croire et défendra toujours l'avenir contre la politique au jour le jour", concluait-il.

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