Problèmes d'accessibilité, vieillissement de la population et densification urbaine sont autant de défis pour les ascensoristes. Pourtant, le nombre d'installations de cabines diminue, tout comme le nombre de chantiers de modernisation. Le parc français vieillit donc, la moitié des appareils ayant dépassé les 25 ans. Pierre Hardouin, le président de la Fédération des ascenseurs, dresse le bilan de l'année écoulée.

Pour Pierre Hardouin, le président de la Fédération des ascenseurs, la filière doit faire face à deux enjeux principaux : "L'accompagnement du vieillissement de la population et la démarche qui consiste à encourager le maintien à domicile, et la transition écologique, avec une diminution des consommations énergétiques". Deux tendances qui devraient, en toute logique, pousser à l'installation de nouveaux ascenseurs, plus sobres et plus sûrs. Pour autant, l'activité en France a ralenti en 2014, avec un recul de -8 %, s'établissant à 2,46 Mrds €, ce qui a entraîné mécaniquement une baisse des effectifs, de l'ordre de -3 %, à 17.700 salariés.

De moins en moins d'équipements installés

"Le chiffre d'affaires a été impacté par la contraction du marché immobilier neuf : les ventes d'équipements neufs ont baissé de -5 %, à 11.500 ou 12.000 unités", précise Pierre Hardouin. "Mais c'est surtout par la chute des ventes de modernisation du parc, que nous avons été touché : -35 % en un an", poursuit-il. Ces budgets de remplacement représentent, en effet, le gros de l'activité des ascensoristes, et sont passés de presque 400 M€ en 2013 à seulement 256 M€ en 2014. La filière regrette l'abandon, au moment du choc de simplification, des dispositifs de la loi Robien, dont la deuxième phase s'est terminée en juillet 2014, à seulement 75 % de complétion, et dont la troisième étape, prévue pour juillet 2018, a été vidée de sa substance. L'obligation de précision d'arrêt des cabines n'a été maintenue que pour les établissements recevant du public, tandis que la détection de survitesse vers le haut a été supprimée. "Initialement, 200.000 appareils étaient concernés. Ils ne seraient plus que 50.000 actuellement", annonce le responsable de la fédération.

 

La situation est donc paradoxale en France : "Un quart du parc installé est très ancien, datant de plus de 40 ans ! Et il continue à servir tous les jours. La moitié des appareils a plus de 25 ans, ce qui fait du parc français le plus ancien en Europe, sans aucun doute". L'adaptation du parc apparaît donc comme une nécessité, renforcée par les progrès réalisés dans la motorisation des ascenseurs. Selon la fédération, le remplacement d'un équipement obsolète par un système récent permet de diviser par deux la consommation énergétique, passant de 3.400 kWh/an à moins de 1.200 kWh/an. Certaines machines à la pointe de la modernité affichent même une consommation de seulement 650 kWh/an, cinq fois moins qu'un appareil des années 1960. "Des ascenseurs quasiment autonomes seront mis en service dans les semaines qui viennent, dans des immeubles BBC de moyenne hauteur", assure le président de la fédération. Une tendance qui n'est pas anodine : les 530.000 ascenseurs installés en France utiliseraient entre 5 et 8 % de toute la consommation des bâtiments, soit 2 TWh de courant, l'équivalent d'une ville comme Bordeaux ou Nantes !

De nombreuses innovations à venir

Les industriels du secteur planchent donc sur l'utilisation de matériaux composites, sur le développement de systèmes de récupération de l'énergie ou de régénération d'électricité, et sur des couplages avec des dispositifs de stockage (batteries à haut rendement) et de production renouvelable (photovoltaïque ou éolienne). Des solutions qui ont l'avantage de rendre les ascenseurs autosuffisants et insensibles aux coupures d'électricité. La Fédération rappelle d'ailleurs que le taux de survenue des pannes techniques (hors aléas climatique, vandalisme ou mauvaise utilisation) s'établit désormais à 1,97 intervention/an par machine, et que le dernier accident mortel remonte à juillet 2010. "Nous transportons chaque jour 100 millions de Français, ce qui fait de l'ascenseur le moyen le plus fiable et le plus sûr de tous", s'enorgueillit Pierre Hardouin. Les professionnels travaillent sur la question d'incitation au remplacement des équipements au moyen des Certificats d'Economie d'Energie : "Mais à qui bénéficieraient-ils ? Nous en discutons avec l'ATEE, la DHUP et les énergéticiens. Un rendez-vous aura lieu au ministère le 21 avril prochain", précise le président.

 

La fédération note également que, bien que la lutte contre l'étalement urbain soit une priorité, la logique voudrait qu'une verticalisation de la ville soit un enjeu actuel. Pourtant, là encore, la France entretien le paradoxe en continuant à construire des immeubles bas, de 2 ou 3 étages seulement, et qui ne nécessitent pas d'ascenseurs. Le taux d'équipement dans les constructions neuves, qui était de 1/2 dans les années 2000, a même diminué pour n'atteindre aujourd'hui que 1/3. De ce fait, le nombre de cabines pour 100 habitants demeure l'un des plus faibles du continent avec 0,76 en France, contre deux fois plus en Italie, et trois fois plus en Espagne. Jean-Luc Detavernier, le délégué général de la Fédération, livre son sentiment : "Il faudrait que les constructeurs anticipent mieux l'intégration, dans le futur, d'ascenseurs a posteriori. Il serait même intelligent de prévoir des pré-cadres dans les planchers pour pouvoir percer facilement une dalle, si nécessaire, comme cela se fait au Japon". Une innovation qui simplifierait l'intégration d'ascenseurs et réglerait le futur problème d'accessibilité des étages aux seniors et personnes à mobilité réduite.

 

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