La construction connaît un profond bouleversement avec la survenue de deux révolutions simultanées : la transition énergétique et la transition numérique. Ces deux mouvements convergent dans le BIM et croiseront de multiples technologies : réalité augmentée ou virtuelle, impression 3D, construction modulaire… De quoi améliorer la qualité et les performances tout en réduisant les délais et les coûts ?

La révolution est en marche : le mouvement pour l'efficacité énergétique et la transition numérique du bâtiment sont en train de changer le paysage de la construction en France, et dans le monde. La maquette numérique - l'avatar du bâtiment - permet d'extraire des données utiles à l'ensemble des acteurs du secteur. Pour Nicolas Mangon, directeur des activités Bâtiment pour l'éditeur Autodesk, le BIM ne se résume pas à un modèle tridimensionnel des constructions, ni à une simple base de données. Il nous précise : "C'est un processus de travail articulé autour d'informations centralisées. Un outil permettant de suivre un projet tout au long de son cycle de vie, depuis sa planification et sa conception, jusqu'à sa déconstruction, en passant par son exploitation". L'essentiel réside alors dans l'interfaçage de tous les acteurs autour de cette information, qu'ils doivent pouvoir eux-mêmes enrichir.

Délais et coûts réduits

Le BIM, une fois déployé, présentera de multiples avantages, en termes d'économies, de qualité ou de réduction des délais. Christian Rozier, le directeur de la R&D chez Elithis, dresse une longue liste : "Outre l'aide à la conception 3D, où il permet une meilleure ergonomie et réactivité, le BIM qui est une base de données partagée permet d'éviter les ressaisies et donc les risques d'erreurs. Il détecte les conflits et interférences ('clashes') avant qu'ils ne surviennent et permet une meilleure prise en compte du confort d'usage. Il permet également l'édition automatique de nomenclatures et de bordereaux, précis et incrémentés, au fur et à mesure de l'avancement du projet".

 

Le travail collaboratif et l'itération rapide des variantes numériques permettront d'éviter de nombreuses modifications en cours de chantier, réduisant d'autant les délais et les coûts. Nicolas Mangon cite en exemple la Grande-Bretagne, leader du BIM en Europe : "Selon Stephen Kelly, en charge de la maquette numérique Outre-Manche, 66 % des projets seraient livrés en temps et en heure, contre seulement 33 % en 2010. Et le coût de construction d'une école secondaire a été réduit de 40 % dans le même temps". Le directeur des activités Bâtiment d'Autodesk estime que le gain à attendre, en phase d'étude, sur le coût total du projet est de l'ordre de -5 à -7 % (et de -1,25 à -2,5 % dans le cas d'une rénovation). De même, la durée d'un projet serait diminuée de 15 %, entraînant un meilleur taux de retour sur investissement, "quelle que soit sa taille", insiste-t-il.

Des croisements avec la réalité augmentée et l'impression 3D

Des gains de coûts donc, mais aussi des synergies avec d'autres outils numériques sont attendues. Ainsi, Jérôme Royan, responsable du laboratoire "RA, RV, RM et interactions" chez B-Com (institut de recherche technologique), entrevoit de nombreuses convergences du BIM avec des technologies de réalité virtuelle, déjà largement employées dans l'industrie (automobile, navale, aéronautique), et de réalité augmentée. Pour lui, à toutes les étapes d'un projet, l'utilisation de tels outils de visualisation apporteront des bénéfices. Au stade de programmation par exemple, le recours à des représentations tridimensionnelles amélioreront les possibilités du marketing et renforceront les effets d'une concertation citoyenne, lors de l'implantation d'un nouvel équipement urbain susceptible d'inquiéter les riverains. En phase construction, outre une meilleure planification et une optimisation de la logistique, le spécialiste entrevoit la possibilité de projeter des instructions de montage ou de procéder à des contrôles qualité au moyen de la réalité augmentée. Enfin, dans un bâtiment en exploitation, il note que la GTB pourrait être pilotée virtuellement et que les procédures de maintenance pourraient bénéficier de la réalité augmentée.

 

Dans le même ordre d'idées, Nicolas Mangon nous dévoile d'autres convergences attendues : "La tendance sera de pouvoir passer aisément du monde physique au digital. Pour les opérations de rénovation, on pourra par exemple scanner en trois dimensions l'intérieur des bâtiments pour recréer facilement l'existant. En parallèle avec les avancées de la robotique, on utilisera des théodolites automatisés, qui indiqueront grâce à des lasers où poser un mur, où faire passer une conduite. La réalité augmentée permettra également d'améliorer la maintenance. On peut aussi imaginer de l'impression 3D pilotée directement à l'aide du BIM pour produire rapidement des modèles. Enfin, l'outil sera également utile à la conception d'éléments préfabriqués en usine, pour produire plus vite et avec une meilleure qualité que sur un chantier soumis aux aléas climatiques". La maquette numérique est donc une véritable révolution qui impactera profondément le secteur de la construction au niveau de sa productivité et de ses coûts.

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