JUSTICE. Trois responsables de Lafarge, dont l'ex-PDG, étaient mercredi 6 décembre devant les enquêteurs pour être interrogés sur les activités en Syrie du cimentier, soupçonné d'avoir indirectement financé le groupe État islamique (EI).

Trois responsables de Lafarge, Bruno Lafont, l'ex-directeur général, Eric Olsen, DRH à l'époque des faits, et l'ex-directeur général adjoint opérationnel, Christian Herrault, devaient être entendus sous le régime de la garde à vue dans les locaux des douanes judiciaires (SNDJ) à Ivry-sur-Seine, près de Paris. Ils pourraient ensuite être présentés aux juges d'instruction en vue d'une éventuelle mise en examen.

 

Vendredi, trois cadres du groupe, qui a fusionné avec le suisse Holcim en 2015, ont été mis en examen pour "financement d'une entreprise terroriste" et "mise en danger de la vie d'autrui". Lafarge est soupçonné d'avoir pactisé avec des groupes jihadistes, notamment avec l'EI en lui achetant du pétrole -en violation de l'embargo décrété par l'Union européenne en 2011- et en lui remettant de l'argent, via un intermédiaire.

 

Un versement d'environ 5,6 millions d'euros

 

De juillet 2012 à septembre 2014, la filiale syrienne du cimentier (Lafarge Cement Syria, LCS) a versé environ 5,6 millions de dollars à diverses factions armées, dont l'organisation d'Abou Bakr al-Baghdadi, d'après un rapport rédigé en avril à la demande de LafargeHolcim par le cabinet américain Baker McKenzie et dont l'AFP a eu connaissance. Les enquêteurs cherchent à savoir si la direction du groupe en France a pu avoir été informée de tels agissements.

 

Début 2017, le SNDJ avait entendu plusieurs cadres et hauts responsables de l'entreprise. Trois d'entre eux avaient reconnu des versements litigieux, dont Christian Herrault. "Soit on acceptait le racket, soit on partait et on organisait le repli", avait souligné l'ex-directeur adjoint, selon une source proche de l'enquête, ajoutant avoir eu des "discussions avec Bruno Lafont". L'ex-PDG a toujours démenti avoir été informé. "Pour moi, les choses étaient sous contrôle. Si rien ne me remontait, c'est que rien de matériel ne se produisait", avait-il assuré en janvier aux enquêteurs du SNDJ.

 

Dans un rapport accablant pour la maison mère, les douanes judiciaires ont pourtant conclu qu'"il serait tout à fait étonnant que M. Lafont n'ait pas demandé à son équipe de direction d'avoir un point précis de la situation d'une cimenterie dans un pays en guerre". Il "devait rendre forcément des comptes à des actionnaires", ajoutaient les enquêteurs.

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