A peine sortis d'une réunion avec le cabinet du Premier ministre, les acteurs de la maîtrise d'oeuvre ont adressé un courrier au Président de la République, notamment pour l'alerter sur le danger des projets de transposition relative aux marchés publics. Explications.

C'était le 28 mai dernier. L'Ordre des architectes et l'Union des architectes rencontraient, à Matignon, le cabinet de Manuel Valls. Ordre du jour : abattre leurs dernières cartes pour préserver le caractère obligatoire du concours d'architecte et clarifier les contrats globaux dans le cadre des marchés publics.

 

A la sortie, une lettre à l'attention de François Hollande était en préparation. Les signataires : l'Unsfa, le Cinov, Syntec-Ingénierie et l'Untec. Objet de leur courroux : la destruction à venir du savoir-faire de l'ingénierie privée, qui pourrait être court-circuitée par l'ingénierie publique. Dans cette missive, les acteurs interpellent le Président pour expliquer que les projets successifs de transposition relative aux marchés publics établis par la direction des affaires juridiques de Bercy comportent une série de dispositions quasi-mortelles pour un grand nombre d'entreprises de la maîtrise d'œuvre en France.

Ingénierie publique contre ingénierie privée

Les organisations dénoncent ainsi la "réduction progressive de leurs champs d'intervention" liée à la création croissante de structures publiques ou parapubliques auxquelles les collectivités passent des commandes en direct, court-circuitant de fait les entreprises d'ingénierie privées. En effet, il y a quelques semaines, le Cinov s'insurgeait contre la baisse des investissements publics conjuguée au développement de l'ingénierie (para-)publique qui génèrerait, à terme, un manque à gagner colossal pour l'ingénierie privée. "Un tiers de l'activité du secteur ingénierie est réalisé par le privé et deux tiers par le public !", nous confiait alors Dominique Sutra Del Galy, président du Cinov. Le chiffre d'affaires correspondant s'établit donc, annuellement, à 3,5 Md€ pour le secteur de l'ingénierie privée et 7 Md€ pour les agences publiques et assimilées (agences techniques départementales, sociétés publiques locales, syndicats mixtes…), révélait ainsi une étude menée par le cabinet Kyu pour l'Observatoire paritaire des métiers du numérique, de l'ingénierie, des études et du conseil (Opiiec). Ils dénoncent également la concurrence déloyale exercée par ces structures publiques qui obtiennent des marchés de gré à gré, et aptes à proposer des "prix prédateurs".

Quid du concours ?

Sur le sujet des contrats globaux, les organisations de maîtrise d'œuvre pointent du doigt leur "quasi-libéralisation", qui priverait les maîtres d'ouvrage de l'appui des professionnels indépendants. En cause aussi la suppression programmée, pour les marchés de partenariats, de toutes les dispositions de l'ordonnance du 17 juin 2004, qui avaient pour objet d'assurer la qualité des ouvrages.

 

Enfin, les organisations signataires souhaitent interpeller le Chef de l'Etat sur la "réticence à faire mention, dans le projet d'ordonnance relative aux marchés publics, de la spécificité des missions de maîtrise d'œuvre" qui justifient pourtant des procédures appropriées pour la désignation des titulaires des marchés. Mais aussi la réticence "à imposer le recours au concours".

 

Sur cette dernière invective, rappelons que l'Unsfa reste toujours prudent et en attente des textes. A la sortie de la réunion à Matignon, Marie-Françoise Manière nous avait confié : "Matignon a confirmé l'intérêt du système du concours pour produire une architecture de qualité". Une vision un peu plus optimiste du côté du Cnoa. Catherine Jacquot nous confirmait l'engagement de Matignon de maintenir le concours d'architecte… Le Conseil d'Etat devrait trancher ces prochains jours.

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