La France ne serait pas en retard sur le sujet, par rapport à ses voisins européens, bien au contraire. L'ensemble des acteurs ont pris en main la problématique, notamment dans le cadre du PTNB. "Il y a une politique du 'BIM pour tous', quelle que soit la taille des acteurs ou celle des projets", promet Pierre Mit, qui estime que le pays se donne des moyens mais n'impose rien. Le spécialiste admet toutefois qu'il est difficile de faire bouger les choses, du fait de procédures et démarches administratives parfois trop longues. Autre écueil, la gestion de cette maquette numérique dans le temps. Frédéric Denisart, architecte et conseiller au CNOA, s'amuse de l'effet de mode des "BIM managers" : "Avec les accidents sur les chantiers, ont émergé les coordinateurs SPS. Le BIM manager est le nouveau SPS du numérique", résume-t-il. Les professionnels estiment qu'il faut bien identifier la chaîne de responsabilité et que les BIM managers, qui maîtrisent l'outil, doivent être accompagnés de personnes connaissant le bâtiment.

 

Et les industriels dans tout ça ?

 

Michel Droin, représentant la FFB au PTNB, déclare : "Pour les artisans et les entreprises du bâtiment, le BIM c'est un peu un mythe. Il n'était connu que d'un petit nombre d'initiés au début. Mais depuis un an, c'est l'avalanche médiatique. Et la très grande majorité des gens ne sait pas où ça commence et où ça finit…". Lui aussi insiste sur la nécessité d'impliquer l'ensemble des acteurs de la filière : "Il va falloir travailler davantage ensemble qu'auparavant. Toute la chaîne a l'opportunité de s'améliorer, d'être plus précise". David Morales, administrateur de la Capeb et membre du PTNB, partage cet avis. Interrogé sur la numérisation des produits de la construction, il analyse : "Il ne faut pas s'enfermer dans des boîtes desquelles on ne peut pas sortir. Il faut que les systèmes restent ouverts et accessibles à tous". Les besoins de renseignements seraient effectivement divers selon les acteurs. Frédéric Denisart (conseiller au CNOA) lance même un appel aux industriels pour une concertation avec les utilisateurs quant à leurs attentes : "Demandez-vous ce que vous pouvez apporter, aux architectes et aux entrepreneurs, mais ne faites pas ce que vous savez déjà faire !". Si la nécessité d'objets génériques apparaît évidente pour l'ensemble de ces utilisateurs, notamment pour pouvoir "varianter" les projets et répondre à des appels d'offres sans mentionner de marques, elle apparaît en revanche comme un non-sens pour les industriels qui souhaitent mettre en avant leurs propres produits.

 

 

Lionel Blancard de Léry, architecte et vice-président de l'Unsfa, déclare : "La qualité d'une maquette numérique est la résultante de la qualité des objets BIM la composant". Chaque objet doit donc être associé à un dossier technique, un descriptif CCTP (cahier des clauses techniques particulières), des couleurs et matériaux, des performances et normes ainsi qu'à des prix. "Les industriels fournissent des matériaux mais ne font pas les projets", souligne Laurent Ortas, président de la commission BIM à l'AIMCC. Selon lui, le BIM est un lieu d'échange d'informations qui ne se limite pas à un assemblage de briques Lego®. "C'est d'abord le dessin de l'architecte, puis ensuite la traduction industrielle en vrais produits et systèmes qui le concrétise", rappelle-t-il. L'occasion donc pour les acteurs consommateurs de devenir prescripteurs en sollicitant les industriels. De quoi alimenter les débats autour de la norme PPBIM, en cours d'élaboration.

 

Les principaux résultats de l'enquête "Maîtres d'œuvre, artisans et chefs d'entreprises, votre opinion sur le BIM" ?
Environ 92 % des MOE et 63 % des artisans et entreprises du bâtiment sont sensibilisés au BIM. Pour la majorité des répondants, cette technologie est assimilée à "une méthode de collaboration pour tous les professionnels du bâtiment au quotidien" (61 % des MOE et 57 % des artisans). Ils sont moins nombreux à la considérer comme "une évolution de logiciel permettant la modélisation d'un bâtiment sous forme de maquette numérique" (27 % des MOE et 34 % des artisans). Questionnés sur la confrontation à un projet nécessitant des compétences en BIM, ils sont majoritaires à répondre "non" (66 % des MOE et 81 % des artisans), démontrant que le procédé est encore loin d'être habituel. Ils sont en revanche conscients de la nécessité de se former (66 % des MOE et 54 % des artisans annoncent avoir l'intention de le faire). Les principaux freins demeurent le montant de l'investissement (35 % des MOE), le manque d'information (42 % des artisans) ou le manque d'intérêt (34 % et 28 % de ces deux catégories).
Les professionnels sont encore peu nombreux à télécharger des produits modélisés numériquement (37 % des MOE et 50 % des artisans ne le font jamais ; environ 25 % le font ponctuellement).

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