Inaugurée le 26 juin au cœur de la Place de l’Europe, la Philharmonie de Luxembourg est un bijou d’architecture et d’acoustique signé Christian de Portzamparc et Xu Ya Ying. Ellipse de béton, de verre et d’acier, il a l’éclat d’un diamant blanc le jour et les reflets d’un gemme multicolore la nuit.

D’une surface de 20.000 m2 pour un volume de 192.000 m3, la Salle de concerts Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte réunit trois espaces de représentation dans un même ensemble : une grande salle philharmonique de 1.500 places, une petite salle de musique de chambre de 300 places, et un espace découverte de 120 places dédié aux musiques électroacoustiques.

L’architecte et urbaniste Christian de Portzamparc raconte la genèse de son projet : «Au départ, en voyant des photos du quartier, avant même d’être sur le site, il m’a semblé qu’il faudrait amener le public au futur bâtiment de la philharmonie à travers une zone d’initiation, un anneau d’arbres hauts qu’il faudrait franchir pour rentrer dans le domaine de la musique. Une fois sur place, j’ai vu que nous n’avions pas de recul pour planter. De là, est venue l’idée d’une façade filtre qui constitue cet anneau boisé, ni opaque ni transparent, formant une enveloppe de lumière dont la salle serait le noyau central. Le rythme de ces tiges parallèles sur plusieurs rangées elliptiques devenait mathématique et musical».

Cette façade filtre, semblable à un péristyle antique, est formée de 823 colonnes d’acier laqué blanc d’une hauteur de 17 à 20 m (diamètre 32 cm). Certaines rangées de colonnes portent la toiture et la casquette revêtue de plaques d’aluminium, d’autres tiennent les parois vitrées, d’autres encore servent pour la diffusion de l’air.

Une fois à l’intérieur du péristyle, une seconde façade s’offre aux spectateurs, celle du grand auditorium. Constituée de parois vertigineuses de 20 m de haut, creusées telles des falaises par des failles verticales, elle se révèle être la face arrière des tours de loges.

L’architecte explique que pour la première fois à la Philharmonie, les auditeurs «habitent» les parois de la salle. Ces derniers sont installés dans 8 tours de loges de 4 étages chacune, entourant le parterre comme des bâtiments dans la nuit autour d’une place publique. «Je voulais que musiciens et public s’éprouvent mutuellement, soient proches et que l’on ressente une impression de grandeur et d’intimité, que l’imaginaire s’échappe», commente-t-il.

Esthétiques, ces tours de béton et de bois sont également techniques. Grâce aux calculs de l’acousticien chinois Xu Ya Ying, chaque relief, chaque angle et chaque orientation des loges permettent de diffuser au mieux le son venu de l’orchestre. Aucun habillage extérieur n’a été souhaité pour que les grandes surfaces réfléchissantes puissent restituer les basses fréquences et apporter une sonorité musicale chaleureuse.
L’élaboration précise des fauteuils, signés Elisabeth de Portzamparc, permet de ne pas modifier exagérément l’acoustique de la salle, quel que soit son taux d’occupation.

Durant l’entracte, le foyer incliné qui encercle l’ensemble de l’auditorium (la logistique se trouvant au-sous sol) entraîne naturellement les spectateurs dans une déambulation infinie. En effet, que ce soit au niveau du sol ou sur la rampe qui s’enroule autour des loges, le paysage change à chaque pas. Les grandes failles qui rythment de façon irrégulière les parois s’illuminent et se colorent par un éclairage artificiel modulable. C’est alors que le diamant blanc se teinte de rose, de mauve, de vert ou de jaune et qu’il irradie à travers la nuit.

Le mot de la fin sera pour un employé français de la Philharmonie qui, «fasciné par la beauté de l’architecture et sa mise en lumière», regrette qu’il n’y ait pas un bâtiment équivalent dans l’Hexagone.

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