ENQUETE. Alors que le Comité international olympique (CIO) a entériné, ce mercredi 13 septembre 2017, les candidatures de Paris et Los Angeles pour 2024 et 2028, que reste-t-il des infrastructures des JO de Rio 2016 ? Comment sont-elles exploitées ?

Désignée officiellement ville hôte des Jeux olympiques 2024, ce mercredi 13 septembre 2017, la France a désormais jusqu'au 2 août 2024 pour préparer ses Jeux, respecter son budget de 6,6 milliards d'euros et surtout éviter de dériver comme à Sotchi en 2014 (Russie) ou à Rio en 2016…

 

 

Sites sportifs délaissés ou détériorés et un village olympique aujourd'hui abandonné

 

"Eléphants blancs" ou sites sportifs délaissés ou détériorés, un village olympique vendu par les organisateurs comme une future résidence pour les Brésiliens, devenu aujourd'hui une ville fantôme, sans oublier des affaires de corruption en cours dans le BTP et des milliards de dollars de fonds publics dépensés... Voici l'envers du décor de l'après-jeux de Rio.

 

"Les autorités brésiliennes veulent à tout prix céder certaines installations inutilisées et coûteuses qui se sont détériorées depuis un an", nous avait-on expliqué en mai 2017 au cours d'une visite de la Commission d'évaluation à Paris. Les exemples ne manquent pas. A commencer par le Vélodrome de forme ronde, finalement livré fin juin 2016 par Sander Douma Architects puis Schuermann Architects a été endommagé fin juillet 2017 par un incendie qui a détruit une partie de la toiture.

 

La construction de cette structure (40 millions d'euros) de 5.000 places avait fait déjà parler d'elle : un contre-temps en mars 2016 avait engendré des "problèmes logistiques" dans l'acheminement du pin de Sibérie utilisé pour la piste et avait entraîné douze jours de retard dans la livraison des planches.

 

La réalisation du Stade olympique aquatique de Rio est également dans le viseur. En février 2017, le quotidien britannique, Daily Mail rapportait que, "moins d'un an après la fin des Jeux, tout est laissé dans un état d'abandon", laissant la place à de la boue et des insectes. "Les travaux de rénovation n'ont pas étés prévus, malgré les nombreux panneaux qui sont affichés à l'entrée de l'équipement sportif", nous avait-on confié lors de la visite du CIO à Paris, le 15 mai dernier.

 

D'autres infrastructures, sans être à l'abandon, peinent à trouver son public. C'est le cas du parcours deL'Olympic Golf Course, conçu par Rua, situé juste au nord du Lac Marapendi à Rio. Il avait coûté près de 18 millions d'euros. Pour Pedro Evora, l'un des architectes, "l'idée avait été de concevoir un terrain de golf et des infrastructures totalement intégrés dans le paysage, en harmonie avec la nature, mariant architecture contemporaine et éléments traditionnels brésiliens (brise soleil, parasols...)." Aujourd'hui, par exemple, la signalisation du site est inexistante et les promoteurs immobilier peinent à commercialiser des logements construits autour.

 

Enfin, le légendaire stade de Maracanã qui a accueilli les jeux décisifs du tournoi de football et deux des moments les plus marquants des olympiades : les cérémonies d'ouverture et de clôture, est resté à l'abandon pendant plus de trois mois, à cause d'un imbroglio politico-juridique qui oppose le concessionnaire au comité organisateur des JO-2016. Il a seulement rouvert à titre exceptionnel en mars 2017, pour une rencontre de la Copa Libertadores. Alors que la rénovation a coûté 350 millions d'euros, près de 10 % des 78.000 places ont été endommagées.

 

Pour rappel, en 2014, tous les sièges avaient été remplacés et le stade avait été enveloppé d'une structure moderne intégrant des concepts du développement durable (récupération des eaux de pluie et panneaux photovoltaïques installés par EDF).

 

Depuis ces péripéties, le groupe français Lagardère Sports a annoncé cette année qu'il se retirait de l'appel d'offres pour la concession du stade du Maracana

 

Quelles sont les raisons de cette situation ?

 

 

A Rio, sur les 34 sites de la compétition, huit ont fait l'objet de travaux d'aménagement permanents, sept de façon temporaires et 10 nouveaux sites permanents ont été construits. "Mais contrairement à Paris 2024, où il faudra construire seulement deux infrastructures (Ndlr : le stade nautique et l'Arena 2), le COJO brésilien en a réalisé 10 en même temps", explique à Batiactu, le 14 septembre 2017, Carole Gomez, chercheur à l'IRIS, l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste des questions liées à l'impact du sport sur les relations internationales.

 

"Un problème de calendrier de livraison"

 

"Au cours d'un colloque organisé par SÃO PAULO Research Foundation (FAPESP) et l'école d'architecture et d'urbanisme de Sao Paulo au cours des Jeux olympiques de la jeunesse à Lillehammer (Norvège) en février 2016, des architectes brésiliens ont expliqué que le COJO a été pris de court par les livraisons des équipements, témoigne Carole Gomez. Compte tenu du dimensionnement des travaux, les équipements sportifs ont été livrés en majorité trop tôt, ce qui a engendré pour beaucoup d'entre eux des modifications, jusqu'à la livraison finale, quelques jours avant le début de l'olympiade. (…) Il y a donc sûrement eu un problème de calendrier."

 

"Le budget réel s'est élevé à 12-13 milliards d'euros"

 

"Pour la population brésilienne, la gestion des infrastructures olympiques relève d'un énorme gâchis, reconnaît Carole Gomez chercheur de l'IRIS. A Rio, les autorités avaient prédit un budget de 8,5 milliards d'euros alors que le budget réel s'est élevé à 12-13 milliards d'euros. Et les chiffres officiels ne sont pas encore très clairs un an après les JO. Rappelons que l'objectif pour Rio a été de réaménager la ville et la rendre plus accessible. En 2009, 13 % des Cariocas n'avaient pas accès aux transports tandis qu'en 2016 ce chiffre a atteint 76 % !"

 

Des effets positifs : l'extension du réseau des transports et de la revitalisation de la zone portuaire de Rio

 

En plus de l'extension du réseau des transports et de la revitalisation de la zone portuaire de Rio, des "effets positifs" apparaissent malgré tout, estime la chercheur de l'Iris en citant la relance du tourisme (6,6 millions de touristes en 2016 et 6,2 milliards d'économies) et de la réhabilitation de certains sites comme celui des Docks de Copacabana.

 

Toutefois, si le secteur du tourisme a créé 5.000 postes, au moment des JO, près de 9.000 personnes ont été licenciées de janvier à mai 2017, signalait cet été la Confédération Nationale du Commerce (CNC).

 

Au final, ce n'est pas la première fois que les différents comités olympiques jettent de l'argent par les fenêtres s'accorde à dire l'experte à l'IRIS. "Les JO de Rio sont souvent cités comme un contre-exemple mais les dépenses sanctuaires de Sotchi 2014 prouvent le contraire, précise-t-elle. Le budget initial de l'Etat Russe était de 14 milliards d'euros a dérapé à 45 milliards d'euros… Je vous laisse imaginer aujourd'hui les chiffres dévoilés par les sources non officielles."

 

Quant aux JO de Paris 2024, le plus dur reste à venir, reconnaissent les experts. Même si Tony Estanguet, président du comité d'organisation de en 2024 que pour Paris, le principe "c'est de ne jamais construire un équipement si on dispose déjà d'un." Il souligne que "cette réflexion nous a permis d'arriver à un résultat où un seul équipement sportif sera à construire pour les Jeux, (le second l'Arena II est prévu hors JO). C'est un centre aquatique en face du Stade de France. Tous les autres équipements seront des équipements déjà existants ou temporaires."

 

Priorité aux infrastructures existantes à Paris

 

Pour réussir "l'après-Jeux", l'équipe parisienne a d'ores-et-déjà annoncé vouloir suivre les recommandations de l'Agenda 2020, un ensemble de réformes présenté par le patron du CIO, Thomas Bach, fin 2014, un an après son élection. Au menu : compression des coûts grâce au recours prioritaire aux infrastructures existantes et, surtout, à la coordination avec les besoins du territoire. Tout un programme à suivre d'ici à sept ans.

 

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