L'Asie mineure et l'Europe sont désormais reliées par un tunnel ferroviaire. Les dirigeants turcs ont inauguré, en grande pompe, le "Marmaray" qui était en chantier depuis près de 10 ans. Le double tube, de 14 km de long, permettra de fluidifier le trafic concentré sur les deux seuls ponts qui enjambent le Bosphore.

"C'est le rêve de plusieurs siècles qui se concrétise. Nos ancêtres ont travaillé dessus, il nous est revenu de le réaliser", déclare le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Ce rêve, c'est celui de relier les chemins de fer d'Europe et d'Asie par un tunnel sous le Bosphore. Car, jusqu'à l'inauguration du "Marmaray", seuls deux ponts et des ferries permettaient de passer le détroit. L'ouvrage, dont les dimensions n'ont rien d'Homérique, est un double tube qui s'étire sur 13,6 km, dont une portion de 1,4 km est sous-marine, enterrée sous 55 mètres d'eau et 5 mètres de roche. Il relie les gares d'Üsküdar, côté Asie, et Yenikapi, côté Europe, via Sirkeci, non loin de la Corne d'Or. Une région à forte sismicité, située à quelques kilomètres de la faille anatolienne particulièrement active. Le tunnel a donc été conçu pour résister à des secousses de très forte intensité (magnitude 9 sur l'échelle de Richter) en se montrant relativement flexible. Techniquement, la partie immergée est constituée de 11 sections de béton étanche et coque acier de 123 mètres de long, d'un poids de 18.000 tonnes chacune. Elles ont été installées dans un sol limoneux renforcé par des injections de ciment sur 25 mètres de profondeur.

 

Tracé projet Marmaray
Tracé projet Marmaray © Marmaray
D'une durée initialement estimée à 4 ans, les travaux, débutés en mai 2004, ont été longtemps suspendus après la découverte de vestiges archéologiques, dont une flottille d'une trentaine de navires byzantins, retrouvée sous les rives de la mer de Marmara. Au total, 40.000 objets ont été remontés. C'est un consortium d'entreprises turques et japonaises qui a mené le chantier, le Japon étant l'un des principaux contributeurs au projet. Sur un coût total estimé à environ 3 milliards d'euros, la Banque nippone pour la coopération internationale a amené 735 M€ (plus que la Banque européenne d'investissement), ce qui explique la présence du premier ministre japonais Shinzo Abe à la cérémonie d'inauguration.

 

Un incident d'exploitation dès le premier jour
Créé pour désengorger le trafic sur les deux seuls ponts de la ville, qu'empruntent quotidiennement 2 millions de Stambouliotes, le tunnel devrait transporter 150.000 passagers par heure, entre l'est et l'ouest d'une mégalopole qui dépasse aujourd'hui les 15 millions d'habitants. Mais le projet n'est pas entièrement opérationnel et il faudra encore plusieurs années de travaux avant que les 75 km de voies nouvelles prévues ne soient opérationnelles. Certains spécialistes estiment que l'impact du projet restera limité, même si le percement du tunnel a finalement suscité moins de critiques que l'idée de construction d'un troisième pont, du percement d'un canal de 45 km parallèle au Bosphore ou de la création d'un troisième aéroport à Istanbul.

 

Mais, considérant que la mise en service a été précipitée par le pouvoir, avant la tenue d'élections municipales au mois de mars 2014, la chambre des ingénieurs et des architectes locaux regrettait que la portion mise en service soit si limitée et que le reste du projet soit reporté. Ses membres conseillaient même aux Turcs de ne pas emprunter le tunnel "pour des raisons de sécurité". S'ils n'ont pas été entendus, un premier incident leur a presque donné raison : dès le premier jour de service, une panne électrique de deux minutes a forcé les 1.400 usagers d'un train bondé à… descendre du convoi et terminer la traversée du Bosphore à pied sec. Une première Historique !

 

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