Le récent rachat d'Isonat par le géant Isover relance l'intérêt pour la filière des isolants végétaux ou biosourcés. Comment se profile le marché ? D'autres rapprochements auront-ils lieu ? Le président de l'Association Syndicale des Industriels de l'Isolation Végétale, Olivier Joreau, nous apporte son éclairage.

Batiactu : Isover, entreprise du géant Saint-Gobain, vient d'annoncer le rachat de la PME Isonat. Est-ce une bonne nouvelle pour le secteur des isolants biosourcés ?
Olivier Joreau :
C'est en effet une bonne nouvelle pour la filière. Il est logique que de grands industriels s'y intéressent alors qu'elle est en plein développement. Cela prouve aussi la reconnaissance d'une filière durable et qui a de l'avenir. Ce rachat va, je l'espère, donner plus de poids et rassurer les consommateurs autant que les professionnels du bâtiment. Il est presque certain que le groupe Saint-Gobain mette les moyens nécessaires pour développer le secteur des isolants biosourcés, et cela ne va que dans notre intérêt à tous.

 

Batiactu : Verra-t-on, dans les prochains mois ou années, d'autres rapprochements de ce type ? Les isolants végétaux ont-ils besoin du support des industriels de matériaux plus traditionnels pour exister ?
O. J. :
La filière n'a pas besoin de grands acteurs pour exister. Je pense que ces derniers veulent rattraper le retard pris dans le domaine des biosourcés, et il est possible que d'autres groupes rachètent des PME. Encore faut-il qu'il y ait des entreprises à vendre…
Mais je ne crois pas à une concentration du marché, en tout cas pour le moment. Les PME du secteur ont encore beaucoup d'avenir, de par leur flexibilité et leur réactivité pour apporter des solutions de rupture technologique.

 

Batiactu : La filière s'est industrialisée, notamment grâce à l'obtention de certifications reconnues comme l'Avis technique ou l'Acermi… Que représente aujourd'hui le marché de l'isolant végétal en France, et a-t-il créé des emplois ?
O. J. :
Il y a eu beaucoup d'emplois créés depuis 2008 dans le monde des matériaux biosourcés. Aujourd'hui, l'ASIV compte 8 entreprises adhérentes*, réparties sur tout le territoire. En termes d'emplois, directs et indirects, ce sont environ 3.000 postes qui ont été créés, et 152 M€ d'investissements réalisés depuis 2008 par les adhérents du secteur.
On compte 8 usines en France, et le marché de l'isolant végétal, sur l'ensemble du marché de l'isolation, représente entre 7 et 8% de parts de marché. C'est un secteur en progression, mais je ne peux pas vous dévoiler de chiffres à ce jour, il faudra attendre quelques semaines…

 

Batiactu : Rappelez-nous les qualités intrinsèques des isolants végétaux ? On parle beaucoup de son comportement hygrométrique…
O. J. :
En effet, l'intérêt des biomatériaux, composés de fibres végétales, c'est leur capacité à gérer l'hygrométrie. Fort utile lorsqu'il s'agit de rénover des bâtiments anciens faits de pierre, de bois ou de chaux. L'isolant végétal permet ainsi de respecter ce type de bâtiment et d'éviter des dégâts importants et coûteux.

 

[Une étude publiée en 2015 par l'ASIV montrait que le comportement hygrométrique des isolants biosourcés amènerait une nette amélioration des performances thermiques des bâtiments et de leur confort, de l'ordre de 50%. Des recherches ont en effet mis en évidence des échanges au sein d'une paroi intégrant ces isolants, avec des phénomènes de transferts de vapeur d'eau et de changement de phase, soit le passage d'un état gazeux à un état liquide ou l'inverse. Ainsi, lorsque le changement de phase se produit, il y a absorption ou dégagement d'énergie dans le matériau, permettant d'amortir les variations de températures. De quoi faire progresser le confort ressenti dans les habitations tout en réduisant les consommations énergétiques. Le gain potentiel est important lorsqu'on sait que 1°C de moins correspond à 7% d'économie, rappelait l'ASIV.]

 

Actuellement, il n'y a pas vraiment d'innovations, mais plutôt des améliorations en matière de résistance thermique (lambda) qui sont réalisées par les industriels.

 

Batiactu : Quelles sont les actions que vous menez aujourd'hui pour promouvoir la filière des biosourcés ? Etes-vous dans une démarche de lobbying ?
O. J. :
Notre atout, c'est d'avoir une filière non délocalisable, française qui favorise l'économie circulaire. Nos usines sont toutes implantées à proximité des zones où la ressource locale est importante et abondante.

 

Or, l'Etat ne fait pas assez pour pousser notre filière. Bien sûr, il y a eu la loi sur la transition énergétique, celle sur la biodiversité ou la Cop 21, mais ça ne va pas assez vite ! Nous ne bénéficions d'aucun accompagnement et de moyens surtout, contrairement à d'autres secteurs comme le photovoltaïque ou l'éolien. C'est bien dommage.
Nous demandons des moyens pour inciter les collectivités et les particuliers. Il y a aujourd'hui beaucoup de discours, mais peu de choses concrètes !

 

*BUITEX, CAVAC BIOMATERIAUX, GUTEX, HOMATHERM, LE RELAIS, PAVATEX et STEICO

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