ENTRETIEN. La réglementation incendie va être revue dans le cadre du permis d'expérimenter, dont les travaux ont été lancés par le Gouvernement. Pour Régis Cousin, président de la Fédération française des métiers de l'incendie (FFMI), il faut profiter de cette occasion pour rendre les règles plus lisibles, sans diminuer l'exigence générale.

Batiactu : Le permis d'expérimenter, lancé par le Gouvernement, vise notamment à faire passer la réglementation incendie dans les bâtiments d'un objectif de moyens à un objectifs de résultats. Êtes-vous favorable à cette évolution ?

 

Régis Cousin : Là où ne nous sommes pas rassurés, dans le cadre de ces travaux gouvernementaux, c'est que les pouvoirs publics semblent adopter une posture assez dogmatique, les amenant à vouloir libérer l'innovation à tous prix. A leurs yeux, les textes sur l'incendie semblent surtout être considérés comme des contraintes augmentant les coûts. Ce à quoi nous répondons que, d'une part, la réglementation incendie ne représente pas un coût, mais un gain pour la société dans son ensemble. Par exemple, si les locaux d'une entreprise brûlent, c'est une perte nette pour la collectivité. D'autres part, nous ne sommes pas, en principe, opposés à une révision des textes. Nous ne sommes pas conservateurs. Il y a des choses à perfectionner dans les règles actuelles, notamment en ce qui concerne les règles de sécurité des bâtiments de troisième et quatrième familles [comme conseillé dans le rapport du CSTB, NDLR], ou en matière plus largement de sensibilisation du grand public sur les bons gestes à adopter en cas de sinistre. Une évaluation de la loi rendant obligatoire les détecteurs de fumées dans les logements serait, par exemple, bienvenue.

 

 

Batiactu : N'estimez-vous pas pour autant souhaitable que la réglementation soit simplifiée ?

 

Régis Cousin : Si la réglementation incendie a besoin de quelque chose, aujourd'hui, ce n'est pas d'être allégée : c'est de gagner en lisibilité. Il faut que nous établissions une consolidation des textes existants, afin de bâtir un socle commun, auquel nous pourrons rajouter des particularités au cas par cas. Mais cet objectif dépasse la durée d'un quinquennat, c'est un travail de longue haleine.

"Espérons donc que le Gouvernement saura raison garder sur ce sujet qui touche à la sécurité des Français"

 

Et deux choses nous inquiètent quant au projet actuel des pouvoirs publics de remplacer l'objectif de moyens par un objectif de résultats. D'une part, il y a le risque de confier à la mémoire de l'homme ce qui a été fait sur tel ou tel projet en matière de sécurité incendie. Ce qui pourrait poser problème à plus long terme. Imaginons qu'un sinistre ait lieu dans dix ans : qui se souviendra alors des choix constructifs qui ont été opérés au moment de la construction ? Autre écueil de cette méthode : celui de déstabiliser les pompiers, qui seront confrontés sur le terrain à des bâtiments qui ne se ressembleront pas les uns les autres.


Batiactu : Le nouveau Gouvernement a toujours affirmé qu'il ne toucherait pas aux normes qui ont des conséquences en matière de sécurité des Français...

 

Régis Cousin : Tout à fait, et en matière d'incendie, les enjeux sont d'une toute autre nature qu'en matière d'acoustique ou de performance thermique. Il y va de la vie des gens, comme malheureusement l'incendie de la tour Grenfell l'a rappelé. Et je ne suis pas sûr que les pouvoirs publics aient tout à fait pris conscience de ces réalités. La preuve, c'est que les professionnels de l'incendie sont arrivés tard dans les discussions. C'est ainsi par hasard que nous avons été mis au courant, fin 2017, des projets du Gouvernement ! Espérons donc que les décideurs sauront raison garder sur ce sujet qui touche à la sécurité des Français.

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