RAPPORT. Un travail mené par le député Cédric Villani sur l'intelligence artificielle vient donner quelques indications sur les conséquences du développement de l'intelligence artificielle dans le secteur de la construction. Le secteur doit se préparer à une nouvelle révolution technologique et environnementale.

Un rapport d'orientation sur l'intelligence artificielle (IA) a été récemment remis par le député et mathématicien Cédric Villani au président de la République. Certains passages traitent directement des conséquences du développement de cette technologie dans le secteur de la construction - de la même manière qu'un rapport récent du groupe de travail "Réflexion bâtiment responsable". Évolution la plus évidente : l'automatisation d'un grand nombre de tâches. Et ce mouvement de fonds aura des conséquences sur le tissu salarial du secteur. Il devrait toucher en premier lieu les "ouvriers non qualifiés" du gros œuvre et du second œuvre. Le rapport cite un travail du Conseil d'orientation de l'emploi, datant de 2017, chiffrant à 94.972 le nombre de salariés du gros œuvre exposés à la révolution de l'IA, et 71.382 pour le second œuvre.

 

Si le BTP ne fait pas partie des premiers secteurs concernés par ce risque (agents d'entretien, ouvriers de l'industrie, aide à domicile...), ces chiffres ne manquent pas de faire réfléchir, à l'heure où les métiers du bâtiment peinent à recruter des jeunes, notamment du fait de la pénibilité. Et restera la question de trouver le juste équilibre entre l'homme et la machine. "Certains modes de complémentarité détruisent les capacités humaines et il nous revient collectivement de créer les conditions du développement d'une complémentarité permettant de développer les capacités humaines", estiment en effet les auteurs du rapport.

 

Une "chance historique de désautomatisation du travail humain"

 

Certaines formes de travail liées au développement de l'IA ne sont en effet "pas souhaitables : obéir aux ordres d'une intelligence artificielle, perdre le contrôle sur les processus, déléguer les décisions à la machine". Les métiers du bâtiment et des travaux publics sont donc à l'aube d'une nouvelle révolution technologique. "L'automatisation des tâches peut constituer une chance historique de désautomatisation du travail humain", assurent les auteurs - comme la société Colas a récemment voulu le démontrer en faisant tester son dernier exosquelette.

 

Mais le fort développement de l'IA aura également pour conséquence d'augmenter considérablement la consommation énergétique à l'échelle mondiale, de l'ordre d'un facteur 10 en 20 ans. Le rapport insiste ainsi sur la question des métaux rares, récemment soulevée sur Batiactu par le journaliste Guillaume Pitron et par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

 

"La production d'équipements numériques est fortement consommatrice de métaux rares"

 

"La production d'équipements numériques est fortement consommatrice de métaux rares, critiques, faiblement recyclables et dont les réserves accessibles sont limitées (15 ans pour l'Indium par exemple, dont la consommation a été multipliée par 7 en 10 ans), ce qui peut conduire à une impasse technologique si la croissance des besoins ne ralentit pas", affirment les auteurs du rapport. "D'autant plus que certains de ces métaux sont également utilisés pour la production d'équipements nécessaires pour les énergies renouvelables (éolien, solaire). Au-delà du pic énergétique et pétrolier, il est ainsi à craindre un pic de l'utilisation des métaux, alimentant le pic énergétique et pétrolier, puisque toujours moins concentrés, ils nécessiteront plus d'énergie pour leur extraction."

 

Bien sûr, en regard de ces consommations décuplées, l'IA pourra probablement entraîner un pilotage plus fin des consommations énergétiques. Mais les auteurs du rapport ne semblent pas trop compter sur ce point, rappelant la fréquence des "effets rebonds". "C'est là un paradoxe bien connu de l'optimisation [...]. L'IA peut nous éviter de repenser nos modes de croissance, de consommation et de mesure des richesses produites, et nous amener à consommer tout autant, voire plus qu'auparavant." Ainsi, le développement de l'IA, pour se faire d'une manière réellement écologique, devra aller de pair avec une volonté de rester économe en énergie et de faire évoluer les modes de consommation et les mentalités.

 

 

Vers un nouveau label pour les solutions numériques les moins énergivores ?

 

Les auteurs du rapport incitent d'ailleurs les pouvoirs publics à travailler à la question de l'évaluation écologique des solutions numériques, sous l'égide de l'Ademe, par exemple. Objectif : faire prendre conscience à chacun des dépenses énergétiques provoquées par ces technologies numériques. Le document en appelle ainsi à la création d'un label permettant de garantir une certaine qualité écologique des serveurs. Le rapport cite Stimergy, start up ayant mis sur pied un système exploitant l'énergie dégagée par des serveurs pour chauffer, par exemple, une piscine parisienne. Alors que les gestionnaires de patrimoine se soucient aujourd'hui de connecter leurs immeubles au réseau, l'étape suivante sera de les connecter le plus vertueusement et écologiquement possible au réseau.

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