REFLEXION. Le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures, réalisé sous la présidence de Philippe Duron, a été remis le 1er février à la ministre des Transports Elisabeth Borne. Il fixe trois scénarios en vue de la confection du projet de loi mobilité.

La ministre des Transports, Elisabeth Borne, s'est vue remettre le 1er février le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures, présidé par Philippe Duron. Celui-ci propose trois scénarios de programmation pour les décennies à venir (voir encadré ci-dessous). Une concertation est à présent ouverte afin de définir le volet programmation et financement des infrastructures du projet de loi d'orientation des mobilités. "La ministre engagera dès la semaine prochaine une série de rencontres avec l'ensemble des présidents de région, des grandes associations de collectivités, les représentants d'usagers et les ONG, pour recueillir leurs réactions sur ce rapport et leurs propositions", précise un communiqué de presse du ministère. Le projet de loi sera présenté en avril en conseil des ministres.

 

Les priorités mises en évidences sont celles de l'entretien et la modernisation des réseaux existants, le traitement des nœuds ferroviaires ou encore l'amélioration de la desserte routière des territoires les plus enclavés.

 



La FNTP vote pour le scénario le plus ambitieux

 

La ministre a assuré que l'idée n'était pas de choisir nécessairement le scénario le moins onéreux. "Je le précise tout de suite : il ne s'agit pas de dépenser moins", assure Elisabeth Borne. "L'enjeu est aussi et d'abord d'investir mieux, c'est-à-dire de faire des choix pertinents pour nos concitoyens, de répondre à leurs besoins, et que chaque euro investi soit le plus utile au plus grand nombre."

 

Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics, s'est d'ores et déjà prononcé en faveur du scénario 3 dans un communiqué de presse. "C'est celui qui insuffle une réelle ambition à notre politique de mobilité et qui répond à l'urgence des attentes de nos territoires et aux besoins des populations", assure-t-il.

 

Les projets qui pourraient être réalisés d'ici 2037, remis à plus tard ou abandonnés

 

Les voies ferrées
- Ligne nouvelle entre Paris et la Normandie: priorité à l'aménagement de la gare Saint-Lazare à Paris, puis à la réalisation de Paris-Mantes et du contournement de Rouen.
- Ligne à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse: priorité à l'aménagement des sorties de Bordeaux et Toulouse, puis au tronçon Agen-Toulouse.
- Ligne nouvelle Marseille-Nice: d'abord des améliorations du côté de Marseille, Toulon et Nice, puis une gare souterraine à Marseille Saint-Charles (qui ne serait plus en cul-de-sac), puis Nice-Cannes, et --bien plus tard-- Aubagne-Toulon et Cannes-Le Muy.
- Ligne nouvelle Montpellier-Perpignan: priorité à Montpellier-Béziers.
- Ligne nouvelle Roissy-Picardie: réalisation en donnant la priorité aux trains régionaux.
- LGV Bordeaux-Dax: remise à beaucoup plus tard.
- Contournement ferroviaire de Lyon et ligne nouvelle entre Lyon et le grand tunnel France-Italie (qui, lui, n'est pas concerné par le rapport):
remis à beaucoup plus tard au profit de la modernisation de l'axe Dijon-Modane pour le fret.
- Lignes nouvelles de Rennes vers l'ouest de la Bretagne et Nantes: remises à beaucoup plus tard au profit d'améliorations ponctuelles.
- Achèvement de la LGV Rhin-Rhône: remis à beaucoup plus tard.
- LGV de Paris vers Orléans, Clermont-Ferrand et Lyon (POCL): abandonnée, au profit surtout d'améliorations de la ligne classique Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT).
- Projets d'électrification (lignes de Paris à Troyes, Laroche-Migennes à Auxerre, d'Angoulême à Saintes et Royan et d'Amiens à Rang-du-Fliers):
abandonnés au profit de l'utilisation de locomotives bimodes
(diesel-électrique) ou à hydrogène, sauf la partie suburbaine de Paris-Troyes.
- Réouverture de Pau-Canfranc-Saragosse par le tunnel du Somport:
abandonnée.

 

Les routes
- Aménagement de la Route Centre Europe Atlantique (RCEA) en Allier et en
Saône-et-Loire (A79, N70, N79 et N80): prioritaire.
- Contournement autoroutier de Rouen (A133 et A134), qui vient d'être
déclaré d'utilité publique: confirmé.
- Achèvement de l'axe Rouen-Orléans, dans l'Eure-et-Loir (A154):
prioritaire, sous forme d'autoroute concédée.
- Autoroute Castres-Toulouse: confirmée sous forme d'autoroute concédée, à
plus ou moins court terme.
- Autoroute A31bis (doublement de l'axe Toul-Nancy-Metz-Luxembourg):
nouveau tronçon à péage de Thionville au Luxembourg, élargissement de l'axe
existant de Nancy à Metz, et demande d'études supplémentaires pour le
contournement de Nancy.
- Contournement d'Arles (A54), dont le tracé est contesté: une solution
doit être trouvée "dans les meilleurs délais".
- Autoroute A63 au sud de Bordeaux: élargissement via une concession.
- Autoroute de Salon-de-Provence à Fos-sur-Mer (A56): construction sous
forme d'une route ordinaire.
- Doublement de l'autoroute entre Lyon et Saint-Etienne: le COI conseille
d'attendre les conclusions d'un grand débat sur les transports dans la région
lyonnaise, en 2019, et d'étudier une alternative "acceptable par tous".
- Contournement autoroutier de Lyon: remis à beaucoup plus tard.
- Contournement autoroutier de Bordeaux: remis à beaucoup plus tard.
- Arc nord-ouest de l'autoroute A104 (La Francilienne): remis à beaucoup
plus tard.
- Contournement sud d'Avignon: remis à beaucoup plus tard, les
collectivités locales pouvant reprendre le projet si elles le souhaitent.
- "Autoroute du Chablais" d'Annemasse à Thonon: le COI considère qu'il ne
s'agit pas d'un axe national et suggère une concession par les collectivités
locales.
- Contournement sud-est de Lille: abandonné.

 

Le Le scénario 1 est bâti pour ne pas nécessiter d'affecter des ressources supplémentaires significatives au secteur des transports. Il mobilise environ 48 Md€ en vingt ans pour l'AFITF. Il constitue l'extrapolation pour les années ultérieures de la trajectoire financière actée par le Gouvernement pour les années 2018-2020 qu'il ne remet pas en cause (2,4 Md€ en 2018, 2,5 Md€ en 2019 et en 2020). A partir de 2021, le montant retenu est de 2,4 Md€/an, comme en 2018, soit 25% environ au-dessus de la dépense de la période 2012-2016. Les priorités indispensables de restauration du patrimoine ne sont que partiellement satisfaites. Ce scénario offre peu de marges de manœuvre pour répondre aux enjeux de décongestion des nœuds ferroviaires. Il conduit à poursuivre, au moins pour cinq à dix ans, la pause décidée pour les grands projets. Ce faisant, en repoussant ces dépenses, il rend irréaliste une avancée substantielle de ces grands projets dans les vingt prochaines années et repousse autour de 2050 l'ambition de les avoir achevés.

 

Le scénario 2 est bâti pour permettre de satisfaire les priorités fixées par le président de la République et nécessite d'affecter au secteur des transports des moyens supplémentaires significatifs. Il mobilise environ 60 Md€ en vingt ans pour l'AFITF. Il suppose d'affecter 600 M€ supplémentaires par an par rapport au scénario 1 dès 2019 et pour les vingt prochaines années, à partir de recettes existantes ou de recettes nouvelles créées à cette fin. Avec un montant de 3 Md€/an de dépenses AFITF, il se situe à presque 55 % au-dessus de la dépense de la période 2012-2016 et constitue donc un effort accru, conséquent et soutenu dans la durée. Il privilégie la mise en œuvre des priorités de restauration et de modernisation du patrimoine et d'amélioration des mobilités du quotidien pendant une dizaine d'années à un niveau d'ambition élevé qui s'inscrit en rupture des pratiques antérieures. Il permet d'avancer les premières phases des grands projets. Ces premières phases sont très utiles en elles-mêmes par exemple en réduisant la saturation des principaux nœuds ferroviaires au bénéfice de tous les usagers. Il prévoit ensuite que tous ces projets soient poursuivis de façon progressive.

 

Le scénario 3 correspond à l'accélération des projets du scénario 2 pour mieux répondre aux attentes des territoires. Il mobilise environ 80 Md€ en vingt ans pour l'Afitf. Il suppose un budget montant à 3,5 Md€/an à court terme (d'ici 2022), puis atteignant de façon stable 4,4 Md€/an durant les dix années suivantes puis 4 Md€/an ensuite. Cela suppose d'affecter dès 2019 1,1 Md€ supplémentaires par an par rapport au scénario 1 puis 2 Md€/an d'ici cinq ans, soit de doubler, et pendant au moins dix ans, la dépense par rapport à la période 2012-2016. Il permet la réalisation au plus tôt des projets en tenant compte des délais techniques et de procédure. La majorité du Conseil s'interroge sur la possibilité d'atteindre un tel niveau de dépenses dans le cadre financier et budgétaire que connaissent actuellement l'Etat et les collectivités territoriales appelées à co-financer environ à parité ces projets. Si les calendriers de certains projets tels qu'ils sont calés dans les scénarios 1 et 2 paraissent trop contraints, le scénario 3 éclaire les possibilités concrètes d'accélérer telle ou telle opération.

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