Véritable gouffre financier avec un coût final décuplé par rapport aux prévisions les plus pessimistes, le nouveau parlement écossais sera officiellement inauguré samedi, à Edimbourg, donnant une véritable visibilité à la "dévolution" lancée par Tony Blair en 1999.

Déjà rebaptisé "Follyrood" par les Ecossais, en référence à son coût passé en sept ans d'une fourchette de 10 à 40 millions de livres (15,5 à 58 millions d'euros) à une addition finale pour le moins salée de 431 millions de livres (625 millions d'euros), le parlement écossais de Holyrood a ouvert ses portes aux 129 députés écossais le 7 septembre.

Mais il sera officiellement inauguré samedi seulement, en présence de la reine d'Angleterre. Une souveraine qui, selon la rumeur circulant à Edimbourg, aurait très modérément apprécié l'apparition de ce complexe ultra-moderne devant les fenêtres de Holyroodhouse, son palace écossais.

Hébergés depuis mai 1999 par l'Eglise d'Ecosse, les premiers parlementaires écossais depuis 1707 ont donc enfin un domicile fixe. Avec plus de trois ans de retard sur le calendrier initial...
Mais il leur faudra des années pour faire oublier la genèse douloureuse de ce bâtiment futuriste qui restera sans doute comme un des plus grands scandales financiers de l'histoire du pays.

Un scandale sans coupable cependant. A l'image des enquêtes menées à Londres par Lord Hutton ou Lord Butler sur l'affaire Kelly ou les erreurs des services de renseignements britanniques sur l'Irak, l'enquête de Lord Fraser of Carmyllie sur l'étonnante inflation du prix de ce parlement s'est bien gardée de désigner des responsables.

Il est vrai que les deux "pères" du parlement de Holyrood ne sont plus là. Enric Miralles, l'architecte catalan à l'origine du projet, est décédé d'un cancer du cerveau en juillet 2000. Quant au "Premier des ministres" écossais, Donald Dewar, le commanditaire des travaux, il s'est éteint trois mois plus tard, d'une hémorragie au cerveau.

Il n'en reste pas moins que le résultat -une dizaine de bâtiments imbriqués les uns dans les autres, aux styles architecturaux différents et pour le moins avant-gardistes- ne peut laisser indifférent.
Véritable puits de lumière à l'intérieur, notamment dans la spectaculaire chambre des débats, avec un mariage très réussi de granit noir et gris d'Aberdeen, de parois en verre, de bois blonds (chêne, sycomore) et d'aluminium brossé, le nouveau parlement écossais est particulièrement audacieux vu de l'extérieur. A l'image du projet initial d'Enric Miralles, défendu ensuite avec opiniâtreté par son épouse, l'architecte italienne Benedetta Tagliabue.

"En fait, nous avions à l'esprit un complexe très souple, où les différents bâtiments se positionneraient les uns par rapport aux autres comme les bateaux dans un port sous l'effet des vagues et du vent", explique celle-ci à l'AFP.

"Village" ou "campus", pour reprendre les termes de George Reid, son président, le parlement de Holyrood n'a en tout cas rien de classique, empruntant aux sources de l'architecture catalane avec l'omniprésence de formes végétales chères à Gaudi.

"Il ne s'agissait pas de faire une copie à la Disneyland de l'architecture écossaise", insiste de son côté Jim Mitchell, membre de la direction de l'architecture en Ecosse: "l'objectif était de rompre avec les très ennuyeuses formes quadrangulaires" classiques dans le pays.

Et George Reid d'appeler à la rescousse le Guggenheim de Bilbao, dessiné par l'Américain Frank O. Gehry, ou l'opéra de Sydney, conçu par le Danois Jorn Utzon, pour assurer que le parlement de Holyrood sera rapidement reconnu comme une merveille architecturale à part entière.

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