ANNONCE. Nicole Belloubet, ministre de la Justice, vient d'annoncer que le Gouvernement abandonnait les PPP en matière de construction de prisons. Le dispositif est jugé "trop cher pour la collectivité".

Un "choix politique". C'est ainsi que Nicole Belloubet, ministre de la Justice, a qualifié la décision d'abandonner les partenariats public-privé (PPP) dans le cadre de la construction de prisons. Elle s'exprimait sur le sujet, le 9 mars 2018, sur la radio France info.

 

"Nous ne ferons plus de PPP, nous avons abandonné ce système, car le cout in fine est trop onéreux", a-t-elle affirmé. "Cela coûte très cher à la collectivité pendant longtemps, donc ce modèle ne sera pas conservé." 7.000 nouvelles places de prison ont été promises par Emmanuel Macron d'ici la fin du quinquennat, au lieu des 15.000 initialement prévues. Vendredi, la garde des Sceaux s'est refusée à donner des précisions sur le mode de financement des nouvelles places de prison, renvoyant à la présentation le 11 avril au Conseil des ministres de la loi de programmation budgétaire pour la Justice.

 

"Le contribuable ne doit plus supporter les gabegies financières de telles pratiques"

 

Les PPP font l'objet de nombreux débats actuellement : attaqués par les architectes à Marseille dans le cadre d'un plan "écoles", et en région Île-de-France, attaqués par les organismes défendant les TPE-PME puis défendus par Entreprises générales de France (EGF.BTP).

 

"L'annonce de la ministre ne fait que confirmer que le contribuable ne doit plus supporter les gabegies financières de telles pratiques", réagit Jonathan Salom auprès de Batiactu, secrétaire général de la Capeb Île-de-France. "Ainsi, nous espérons que cette audacieuse décision inspirera Valérie Pécresse et qu'elle abandonnera l'idée du recours à ce mode de 'partenariat' pour ses projets de reconstruction de plusieurs lycées et à l'avenir pour tout projet de ce type. Car construire durable et responsable, c'est aussi construire dans le respect de ses concitoyens."

 

Le contre-exemple du Palais de justice de Paris

 

Entreprises générales de France (EGF.BTP), de son côté, respecte bien évidemment le choix du ministère de la Justice, un "grand maître d'ouvrage". Mais rappelle, par la voix de son président Max Roche contacté par Batiactu, que les PPP ont des avantages. "Ce dispositif permet de garantir les prix et les délais, de la même manière que les contrats en conception-réalisation", nous explique-t-il. "Par ailleurs, il a le mérite de sanctuariser contractuellement le budget affecté à la maintenance du bâtiment, sur la durée." Qu'en est-il de l'argument de Nicole Belloubet, en matière de coût des PPP pour la collectivité ? "Le PPP donne des garanties, et effectivement elles ne sont pas gratuites."

 

Pour rappel, en décembre, la Cour des comptes avait appelé, dans son rapport annuel, à "renoncer à l'avenir" à ce dispositif qui été notamment choisi pour la construction de 14 des 187 établissements prisons de France et du nouveau Palais de justice de Paris, qui doit accueillir ses premières audiences en avril. L'institution avait particulièrement épinglé le chantier du palais de justice de Paris, né d'un partenariat avec le groupe privé de BTP Bouygues pour un coût global de plus de 2,3 milliards d'euros.

 

"A quand un moratoire sur tous les contrats globaux qui détournent les principes de la commande publique ?", Denis Dessus (Cnoa)
Le Conseil national de l'ordre des architectes (Cnoa) se félicite de la décision du ministère de la Justice d'abandonner les PPP pour construire ses équipements. Cela fait 14 ans, depuis la première ordonnance de 2004 autorisant l'utilisation de ces montages réunissant conception, construction, entretien, financement, gestion d'un équipement public sur des durées de 20 ou 30 ans que les architectes s'évertuent à expliquer et démontrer l'effet destructeur sur les finances publiques de ces contrats. Malheureusement cette prise de conscience tardive ne stoppe pas les effets de marchés en cours qui vont creuser la dette publique pendant encore de nombreuses années. Il est donc indispensable de ne pas renouveler ces erreurs, et que la mairie de Marseille pour la construction de ses écoles, ou que la région Ile de France pour ses lycées, reviennent sur leur décision incompréhensible d'utiliser les PPP pour la construction et la rénovation de leurs services publics.

 

A quand un moratoire sur tous les contrats globaux qui détournent les principes de la commande publique et asphyxient les capacités d'investissement de l'état et des collectivités ?

 

Rappelons que la Cour administrative d'appel de Versailles a confirmé l'annulation de la décision du ministère de l'Écologie, en 2008, de conclure un PPP pour la réalisation de 63 centres d'entretien et d'intervention. 10 ans de combat pour le Cnoa, après l'annulation du PPP de la piscine de Commentry et d'autres annulations comme la cité de la mer de Biarritz.

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