En adoptant la proposition de projet de loi sur les simplifications administratives, le Conseil des ministres jette un pavé dans la mare de la commande publique. Car si la loi est adoptée, elle facilitera la conclusion de contrats globaux (conception/réalisation/maintenance), au grand dam des artisans et des architectes.

Henri Plagnol, le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat a présenté un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de simplification et de codification du droit.
Considéré comme l'un des chantiers prioritaires de la réforme de l'Etat, cette loi d'habilitation a pour but de "rendre l'administration plus lisible et plus efficace" en modifiant par ordonnance une trentaine de textes législatifs.
A l'issue de la présentation du projet, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a "insisté sur le fait que chaque ministre devait en assurer personnellement le pilotage pour ce qui concernait son domaine de compétence".
"Trop souvent, les entreprises de simplification menées dans le passé se sont heurtées à des débats sans fin qui ont fait la part belle aux corporatismes et aux résistances de toute sorte de changement. C'est pourquoi le gouvernement a choisi la voie des ordonnances", a justifié M. Plagnol.

Des résistances, il risque d'y en avoir dans le secteur de la construction, notamment du côté de la maîtrise d'oeuvre et des artisans. Ainsi, le texte reprend deux dispositions du projet de loi Dutreil "sur l'initiative économique" : la mise en place d'un guichet unique de recouvrement des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, et l'émission d'un "titre emploi simplifié".
Si la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) accueille "favorablement" la création d'un guichet unique, l'Union professionnelle artisanale (UPA) y est hostile. De son côté, la Confédération de l'artisanat des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) s'interroge sur l'impact réel de ce guichet unique pour le recouvrement des cotisations sociales "dans la mesure où les artisans ont, à près de 70% d'entre eux, trouvé la solution avec une seule déclaration et le paiement par prélèvement automatique".

Mais le volet du projet qui risque de rencontrer les plus fortes "résistances", pour reprendre l'expression du secrétaire d'Etat, concerne les règles d'attribution des marchés publics. Celles-ci avaient fait l'objet d'une réforme en mars 2001 dans un esprit de moralisation et de clarification des règles de passation des marchés. Mais le gouvernement juge les dispositions actuelles "lourdes et complexes".

Dans un effort "pour redynamiser la commande publique", il entend notamment que "les possibilités de partenariat public-privé, actuellement limitées à la police, à la justice et aux armées", soient "élargies". C'est, en clair, tout ce que les professionnels de la maîtrise d'oeuvre - des architectes aux ingénieurs en passant par les économistes - refusent de voir s'appliquer. Ces derniers l'ont d'ailleurs récemment fait savoir dans une lettre ouverte aux élus (voir A lire aussi).

Les artisans sont tout aussi inquiets. "Evidemment oui aux simplifications administratives, mais le mieux ne doit pas être l'ennemi du bien" déclare la CAPEB dans un communiqué. Et la Confédération patronale de s'inquièter, elle aussi, du développement des contrats de coopération public/privé dans le marchés publics ( les fameux METP) qui "exclura de fait les artisans de ce type de marché".

"En effet les procédures de conception-réalisation-gestion-exploitation d'un ouvrage ne sont accessibles qu'à l'entreprise générale et aux grands groupes, ayant une importante capacité financière. Si la moindre gendarmerie de canton ou le commissariat de quartier, voire le bureau de poste, en construction neuve ou en réhabilitation sont traitées en METP, que restera-t-il aux entreprises artisanales du bâtiment ?" s'interroge la CAPEB qui "s'inquiète également du projet de révision du Code des marchés publics, annoncé sans aucune autre précision".

A la Fédération Française du Bâtiment, on est plus mesuré. Pas de communiqué officiel pour l'instant, mais lors de sa dernière rencontre avec la presse Christian Baffy, président de la FFB estimait que les fameux PPP pouvaient apporter des vraies réponses à des secteurs comme la justice, la sécurité ou la santé. "L'essentiel est qu'il développe le volume de l'activité du bâtiment" déclarait alors Christian Baffy en souhaitant que les PME puissent également avoir accès à ces marchés. "Il faut sûrement que l'on travail sur un système de seuil et de compétence" a-t-il précisé.

Le texte sera présenté à l'Assemblée nationale le 8 avril puis au Sénat le 6 mai et es ordonnances interviendront d'ici à la fin 2003 après le vote de la loi. Un second projet de loi d'habilitation sera présenté "au plus tard à l'automne" a annoncé le gouvernement.

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