RÉACTION. Ce 17 mai 2018, les architectes se mobilisent contre certaines dispositions du projet de loi Elan, qu'ils considèrent comme dangereuses quant à la qualité des logements de demain. Le ministère de la Cohésion des territoires, contacté par Batiactu, leur répond.

Les architectes, emmenés par le Conseil national de l'ordre des architectes (Cnoa) et l'Union nationale des syndicats français d'architectes (Unsfa), mènent la fronde contre le projet de loi Elan, en ce 17 mai 2018. Il est notamment reproché au Gouvernement de détricoter la loi Mop en supprimant l'obligation de concours pour les organismes de logements sociaux et de menacer, plus largement, la qualité de l'habitat de demain. Le ministère de la Cohésion des territoires, contacté par Batiactu, répond à ces critiques [réponse qui n'a pas convaincu le Conseil national de l'ordre des architectes, qui y a réagi lors d'une manifestation d'architectes à Paris, en fin d'après-midi, NDLR].


Le concours d'architecture menacé ?

 

"Il ne s'agit pas de supprimer le concours d'architecture, mais de le rendre optionnel : le concours d'architecture a été rendu obligatoire pour tous organismes HLM depuis la loi sur la création, l'architecture et le patrimoine (LCAP) du 7 juillet 2016, sans qu'il ne soit pour autant établi de motifs particuliers. L'action engagée dans Elan ne remet donc pas en cause un droit ancien mais une mesure qui date de moins de deux ans (décret sorti en 2017) : il est donc faux et disproportionné de soutenir que Elan constitue un virage sans précédent et inédit sur la qualité architecturale du fait de rendre la procédure de concours optionnelle."

"Le concours peut être utile mais n'a pas à être systématisé et générer des surcoûts"

 

"Pourquoi ? Le concours d'architecture est une procédure longue qui vise à sélectionner après plusieurs jurys successifs l'architecte d'un projet. Elle dure de 6 à 8 mois parfois et le maître d'ouvrage doit même rémunérer les architectes non retenus. Le concours peut être utile si le bailleur souhaite introduire une forme d'innovation dans son projet, mais il n'a pas à être systématisé et générer des surcoûts et des délais supplémentaires."

 

 

Offrir plus de souplesse

 

"La loi Mop régit les rapports entre le maître d'ouvrage et la maîtrise d'œuvre. Aujourd'hui, elle impose que le maître d'ouvrage doit passer commande à une équipe de maîtrise d'œuvre sous l'égide d'un architecte.

 

Quels sont les inconvénients par rapport au construire 'plus, mieux et moins cher' ? La loi Mop impose tout en séquencement d'actions : relation du maître d'ouvrage avec le maître d'œuvre, puis les entreprises, puis les industriels, alors que les nouveaux outils de construction permettent de fusionner les étapes et intégrer le plus en amont les différents acteurs. La loi Mop impose au maître d'ouvrage de faire appel à une équipe de maîtrise d'œuvre (architecte et bureaux études) en un seul bloc alors que des économies sont possibles en allotissant comme la même loi MOP le permet pour les commandes portants sur des infrastructures.

 

Les OLS sont aujourd'hui en concurrence avec la promotion privée avec la Vefa qui est passée de 1% de la production en 2007 à près de 45% en 2017. Il en découle une perte de compétence des bailleurs sociaux dans leur fonction de constructeur et don un délaissement de la construction de qualité notamment dans les territoires détendu où la promotion privée ne se positionne pas. Il convient donc de permettre aux bailleurs sociaux de construire dans un cadre agile, souple et adapté aux projets."

 

"Le débat soulevé par les architectes est un débat de procédure et non de qualité des logements"

 

"Les mesures envisagées ne sont donc pas contre l'architecture car on ne fait qu'ajuster les procédures de recours à l'architecte pour les rendre adaptées aux projets : on construisait avec des architectes et les projets continueront de se faire avec des architectes. Le débat soulevé par les architectes est un débat de procédure et non de qualité des logements. Sur les projets de logements comme les projets urbains, il convient de privilégier le résultat, donc leur intégration urbaine, paysagère et architecturale et pas seulement la procédure pour y parvenir.

 

Il faut noter que des projets de construction (logements, tertiaires) sont régulièrement primés (innovation urbaine, qualité environnementale, etc.) même sans recours à la loi Mop ou le concours d'architecture. Par ailleurs, le sujet a été discuté au sein du conseil supérieur de la construction au sein duquel les architectes sont doublement représentés par le conseil de l'ordre et le syndicat des architectes."

Deux groupes de travail lancés par Françoise Nyssen

La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, vient d'annoncer la mise en place de deux groupes de réflexion : le premier sur le "désir d'architecture", le second sur le rôle de l'architecte dans la qualité de l'habitat. Ce dernier "sera chargé de formuler des propositions pour valoriser le rôle de l'architecte dans le processus de production de logement de qualité, et pour équilibrer la relation entre maître d'ouvrage et maître d'œuvre, de l'émergence du projet à la réalisation", précise la rue de valois.

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