UN PROJET/UNE PARTICULARITE. Une designer jordano-canadienne a imaginé un refuge temporaire pour les populations déplacées qui mêle l'architecture ancestrale des huttes aux technologies et matériaux innovants. De quoi apporter de meilleures conditions de vie à des personnes en situation d'extrême précarité.

Réinventer la tente et y incorporer le meilleur de l'ergonomie et de la technologie. Telle était l'idée d'Abeer Seikaly, une designer d'origine jordanienne qui souhaitait apporter une réponse aux problèmes des populations déplacées par des conflits armés, des épidémies, des famines ou des catastrophes naturelles.

 

Car, selon le HCR (agence des Nations Unies pour les réfugiés), il y aurait environ 12 millions de réfugiés de par le monde, un chiffre en hausse constante. Cinq millions de personnes sont notamment prises en charge dans 60 camps du Moyen-Orient, et 3,4 millions d'autres le sont sur le continent africain. "Leurs conditions de vie sont extrêmement différentes, certains vivant dans des camps et des centres collectifs bien établis, et d'autres dans des abris de fortune voire en plein air", explique le HCR.

Amener du (ré)confort

Le concept "Weaving a home" (littéralement "Tisser un foyer") s'appuie donc sur l'idée traditionnelle de tente tout en introduisant de nouveaux procédés et de nouveaux matériaux. La structure qui prend la forme d'un dôme aux allures de yourte ou d'igloo, est confectionnée dans un tissu extensible qui participe à l'isolation et au confort de l'intérieur. La géométrie particulièrement étudiée pour être flexible et étirable, permet de déplier et replier rapidement la hutte, afin de la transporter facilement et de l'acheminer au plus près des populations nécessiteuses. Outre l'abri proprement dit, la tente amène avec elle le stockage d'eau dans un réservoir suspendu à plus de 2 mètres de hauteur - assurant ainsi un débit et une pression constante par simple gravité - et l'électricité. Car le matériau est prévu pour absorber le rayonnement solaire et transmettre sa chaleur à de l'eau en circulation dans des tubulures. Le simple mouvement de convection qui s'instaure alors, l'eau chaude s'élevant et l'eau froide redescendant, permet de faire fonctionner un petit générateur couplé à une batterie de stockage. De quoi alimenter un système d'éclairage ou un poste de radio de façon autonome.

 

Existant en version simple ou double peau, le concept est applicable à tous les environnements, qu'ils soient chauds ou froids. La ventilation est assurée par des ouvertures aisément manipulables. La conceptrice envisage même que l'espace compris entre les deux membranes puisse servir au rangement des biens des occupants. De quoi assurer un minimum de confort et de bien être à des populations déjà éprouvées. Poétiquement, Abeer Seikaly explique : "Dans cet abri, les réfugiés trouveront un endroit pour faire une pause dans ce monde turbulent, un lieu pour nouer de nouveaux liens et reconstruire le tissu de leurs vies". Le concept "'Weaving a home" a été sélectionné en 2013 par le Lexus Design Award. De quoi donner du baume au cœur à l'architecte humaniste Shigeru Ban qui regrettait que ses confrères et consœurs ne s'intéressent pas davantage aux plus démunis.

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Intérieur

Weaving a home
Weaving a home © Abeer Seikaly
Le dôme permet de maximiser le volume intérieur par rapport à l'emprise au sol. Des ouvertures permettent de réguler le renouvellement d'air et d'apporter de la lumière naturelle.

Pliage savant

Weaving a home
Weaving a home © Abeer Seikaly
Le concept expliqué en un tour de main : les incisions pratiquées dans la feuille permettent d'obtenir une structure complexe en trois dimensions.

Eclaté

Weaving a home
Weaving a home © Abeer Seikaly
Les différents éléments structurels qui composent l'unité : enveloppe, réservoir d'eau chaude sanitaire et tubulures, éclairage... Un confort inhabituel pour ce type d'abri d'urgence.

Fonctionnalités

Weaving a home
Weaving a home © Abeer Seikaly
Ventilation, étanchéité, production d'eau chaude et d'électricité, rien n'a été oublié.

Membrane simple

Weaving a home
Weaving a home
Toute la subtilité géométrique de la structure à membrane simple résumée en quelques schémas. Des tubes glissés dans le tissu assurent la rigidité de l'ensemble.

Double membrane

Weaving a home
Weaving a home © Abeer Seikaly
La designer a également imaginé une version munie d'une double membrane pour des conditions climatiques plus froides, nécessitant une meilleure isolation. Elle envisage que l'espace compris entre les deux couches puisse servir de rangement.

L'hiver arrive

Weaving a home
Weaving a home © Abeer Seikaly
Illustration du concept dans un environnement aux conditions climatiques plus rigoureuses. Tous les réfugiés ne se trouvent pas dans des zones arides ou désertiques. Les abris en forme de dôme rappellent des igloos.

De nuit

Weaving a home
Weaving a home © Abeer Seikaly
Pour des populations déplacées, la préservation de l'intimité et la création d'un espace privé sont des étapes importantes dans la reconquête d'une dignité perdue.

Villages

Weaving a home
Weaving a home © Abeer Seikaly
Les abris hi-tech pourraient remplacer avantageusement les villages de tentes canadiennes habituellement rencontrées dans les zones d'accueil de populations déplacées.

Production d'eau chaude

Weaving a home
Weaving a home © Abeer Seikaly
Diagramme expliquant le fonctionnement du système de production d'eau chaude par l'énergie solaire thermique.