Dans un rapport publié ce mercredi 9 novembre, la Cour des Comptes s'est interrogée sur l'efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable. Elle dresse le constat de dispositifs inefficaces, "aux effets contradictoires et mal évalués" et appelle les pouvoirs publics à les remettre en cohérence.

Quelle efficience pour la fiscalité verte ? La Cour des comptes n'y va pas par quatre chemins : dans un rapport de près de 210 pages, publié ce mercredi 9 novembre 2016, elle souligne "l'incohérence" et "l'inefficience" des dépenses fiscales en faveur du développement durable.

 

"L'ensemble des constats dressés dans ce rapport montre qu'ont été mis en place progressivement des dispositifs aux effets contradictoires et mal évalués, dont les effets au mieux s'annihilent alors que leurs coûts s'additionnent", conclut-elle, en appelant "les pouvoirs publics à remettre en cohérence l'ensemble des dispositifs fiscaux relatifs au développement durable."

 

Multiplication des dispositifs

 

En recensant l'ensemble des dispositifs fiscaux susceptibles d'avoir un impact sur l'environnement, la Cour a constaté notamment une multiplication des dispositifs : leur nombre a doublé jusqu'à atteindre 94 au cours des 15 dernières années. Même si ce phénomène s'est stabilisé entre 2010 et 2015, "le montant des dépenses fiscales favorables au développement durable a baissé (4 973 M€ en 2015 contre 6 878 M€ en 2010) tandis que celui des dépenses fiscales défavorables a augmenté, dépassant largement les premières (6 900 M€ en 2015 contre 6 043 M€ en 2010, en ne comptabilisant que les dépenses numérotées dans les documents budgétaires)", précise-t-elle. Et de lister sur les 94 dépenses identifiées, 65 affichant "clairement un soutien sectoriel", 6 visant un soutien géographique et 19 seulement un "objectif prépondérant de protection de l'environnement".

 

"L'accumulation de dispositifs s'est faite sans cohérence, le nombre de mesures augmentant malgré la volonté affichée par le gouvernement de les réduire."

 

Surtout, la Cour souligne que la mise en place de ces mesures s'est faite sans la mise en place de suivis efficaces et réguliers des résultats. Par exemple, si la dépense ne s'impacte pas immédiatement, comme une subvention peut le faire, les ministères ne prennent pas en compte les coûts administratifs de traitement et ne mettent pas en place "une véritable stratégie de contrôle ciblée".

 

Parmi les dispositifs visés, ceux notamment mis en place dans le secteur du logement. "(…) Alors que la priorité a longtemps été donnée aux interventions en faveur du logement, les résultats sont d'autant plus décevants que des moyens considérables ont été consacrés à ce secteur, critique-t-elle. Les dispositifs ont pâti en particulier de leur instabilité et de leur complexité et l'évaluation de leur coût comparé aux émissions de CO2 qu'elles ont permis d'éviter permet de conclure à leur inefficience en termes de développement durable".

 

Le logement, mauvais et très cher élève de la fiscalité verte

 

Trois dispositifs principaux ont été poussés : le crédit d'impôt pour la transition énergétique, le taux réduit de TVA et l'éco-prêt à taux zéro. Complexité de mise en place, réformes nombreuses, mauvaise articulation des trois ont conduit, selon la Cour, à des "effets d'aubaine (…) difficiles à quantifier", une efficience en matière de développement durable "insuffisante" et des résultats obtenus restant "décevants, notamment parce que les deux dispositifs phares, la TVA à taux réduit et le crédit d'impôt, souffrent de nombreuses faiblesses dans leur mise en oeuvre qui en atténuent la portée, malgré les réformes successives."

 

Côté transports, des "contradictions entre les différentes interventions publiques" sont mises en évidence. "L'effet des dépenses favorables au développement durable est annihilé par les nombreuses dépenses défavorables mises en place pour assurer un soutien sectoriel, en dépit des tentatives pour réformer ces dispositifs". La Cour cite par exemple, le "traitement fiscal préférentiel du gazole à usage routier", "injustifié" pour elle, même si "sa suppression progressive semble enclenchée".

 

Le bilan des agrocarburants, et des aides au secteur photovoltaïque sont quant à eux qualifiés d'incertains".

 

Les réseaux de chaleur et la méthanisation mieux notés

 

Seuls dispositifs que la Cour des comptes voit relativement d'un meilleur œil, ceux concernant "les formes alternatives de productions d'énergie ou la préservation des espaces naturels" dont "les bilans sont souvent bons", mais "l'impact reste marginal par rapport aux enjeux environnementaux". "Les dispositifs qui concernent l'agriculture biologique, les réseaux de chaleur, la méthanisation agricole ou encore la substitution de carburants peinent à démonter un impact quantitatif réel", conclut-elle.

 

La Cour des Comptes formule enfin 10 recommandations pour améliorer la fiscalité verte et, pour corriger la situation, préconise notamment la prise en compte de trois éléments "fondamentaux" : la dimension européenne, qui conditionne le choix des dispositifs - la subvention y étant très encadrée à cause de la politique européenne sur la concurrence, les politiques préfèrent souvent des mesures fiscales pour ne pas se faire retoquer ; les spécificités de chaque secteur pour apporter plus de cohérence aux dispositifs privilégiés, en ciblant par exemple la performance énergétique dans le logement ; et bien évidemment, la mise en place nécessaire et indispensable d'une évaluation des outils efficace.

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