EXPOSITION. L'exposition "Architecture en uniforme, projeter et construire pour la seconde guerre mondiale", actuellement visible à la Cité de l'architecture à Paris, tout en rappelant des destins personnels, démontre les évolutions de la discipline durant cette période trouble. Des évolutions tant dans le geste architectural que dans les techniques, qui ont posé les fondements de l'architecture moderne.

"Tout autre qu'une parenthèse, cette guerre, dont l'ombre portée s'étend jusqu'au IIIe millénaire, aura cristallisé et accéléré à la fois l'histoire et l'architecture." Un travail de recherches et de compilation de titan, près de 300 œuvres originales exposées, un ouvrage-catalogue qui fait désormais référence : avec cette exposition "Architecture en uniforme, construire et projeter pour la seconde guerre mondiale", l'architecte Jean-Louis Cohen ne propose pas seulement une plongée inédite au cœur de cette période à travers le prisme de l'architecture. Jean-Louis Cohen comble une brèche béante de l'histoire de cette discipline.

"(...)la guerre redéfinit constamment la conception et l'aménagement de l'espace (...)"

Car jusqu'alors, peu faisaient cas des architectes pendant la deuxième guerre mondiale et l'on parlait notamment de l'architecture moderne comme celle de l'après-guerre : l'on découvre ici qu'elle a pris racine dans le conflit lui-même. Preuve est faite désormais, comme le résume Mirko Zardini, directeur du Centre Canadien d'Architecture dans la préface de l'ouvrage : "Qu'elle soit menée avec ou sans l'aide de technologies évoluées, la guerre redéfinit constamment la conception et l'aménagement de l'espace, ainsi que notre façon de l'occuper - et l'architecture demeure en partie responsable de l'inévitable destruction qu'elle entraîne et de la reconstruction qui s'ensuit."

 

Jean-Louis Cohen d'expliquer ainsi, "Loin d'être un vide obscur dans l'histoire de l'architecture du XXe siècle, la guerre est bien un processus complexe de transformation, engageant toutes les composantes de l'architecture, mobilisées dans sa totalité."

Les architectes et l'effort de guerre

Le parcours de visite à la Cité de l'architecture permet de traverser les années et les vies de figures de l'architecture en montrant les apports de chacun. Architectes engagés dans un camp comme dans l'autre, en liberté ou captifs, ont en effet apporté par leur mobilisation, de nombreux travaux de recherche et d'innovations.

 

Construction de bunkers, d'usines, de logements ouvriers, consolidation des abris, projets de camouflage des villes, innovation dans les préfabriqués, la construction métallique... "Comme l'illustre le texte de Jean-Louis Cohen, le bois lamellé-collé, le contreplaqué, l'aluminium, les matières plastiques, le béton armé, le Plexiglas, le vinyle, les nouveaux types de caoutchouc et toutes les innovations caractéristiques de la période peuvent être considérés comme le 'meilleur reliquat' de la guerre", décrit ainsi Mirko Zardini. En participant à l'effort de guerre, les architectes ont contribué à l'innovation et à la réinvention de l'habitat moderne.

Les plans des projets secrets révélés

Certains projets font aussi froid dans le dos. L'exposition lève le voile, par exemple, sur ce qui s'est passé à Dugway. Ce nom ne dit rien à la plupart d'entre nous. Pourtant, sur le polygone de tir de Dugway aux Etats-Unis, furent édifiés et donc étudiés, des villages allemand et japonais, dans le seul but de tester en réel les effets du napalm, qui venait d'être inventé.

 

Derrière le camp d'Auschwitz, il y a aussi des architectes. Une construction qui est plus particulièrement révélée dans cette exposition, au cours de laquelle l'on découvre également des documents inédits sur l'édification du Pentagone, le département de la Défense américaine, ou encore d'Oak Ridge. Cette ville secrète "l'un des plus grands projets de construction de la guerre" forte de 75000 habitants, occupés à travailler sans le savoir, sur la bombe atomique.

 

Aucun aspect n'est éludé et certains noms se dévoilent sous un jour inconnu jusqu'alors. Vous l'aurez compris, "Architecture en uniforme, projeter et construire pour la seconde guerre mondiale", est une exposition, à la portée de tous et à ne pas manquer ! Et que l'on soit architecte, historien ou simplement intéressé par l'histoire de notre cadre de vie, l'on ne peut qu'encourager également l'acquisition de l'ouvrage-catalogue, très documenté et simple d'accès.

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Architecture en uniforme
Architecture en uniforme © Affiche de l'exposition - Cité de l'architecture
Exposition "Architecture en uniforme, projeter et construire pour la seconde guerre mondiale"

 

Jusqu'au 8 septembre 2014 à la Cité de l'architecture à Paris
Commissaire : Jean-Louis Cohen, architecte et professeur en histoire de l'architecture et des villes à l'Institute of Fine Arts de New York.
Exposition créée par le Centre Canadien d'Architecture à Montréal en 20111, adaptée en coproduction par la Cité de l'architecture et du patrimoine de Paris et par le MAXXI de Rome.
Edition : Architecture en uniforme, projeter et construire pour la seconde guerre mondiale, co-édition CCA et éditions Hazan, 445 pages, 400 illustrations, prix éditeur 38,55€. Cet ouvrage a reçu le grand prix du livre d'architecture de l'Académie d'architecture, l'Art book Price britannique et le Alice Davis Hitchcock book award de la Society of architectural historians américaine.

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