A Eisenhuettenstadt, l'ancienne Stalinstadt fondée en 1950, l'espoir ne tient plus qu'à un fil. Dans un an tout au plus, la famille Schoepling aura déménagé, contrainte de quitter ce HLM à moitié vide promis à la destruction qu'elle occupe depuis 16 ans. Reportage dans cette ex-ville-modèle de l'ex-RDA en voie de perdition.

Ursula Schoepeling, 64 ans et son mari Horst, 72 ans, étaient les premiers locataires de cet immeuble de cinq étages à la façade fadasse. Retraités, lui cheminot, elle couturière, ils paient 300 euros de loyer pour leur 5O m2.

Mais parce que la régie municipale ne peut plus supporter les charges fixes de ces ensembles d'une dizaine de blocs occupés à seulement 50%, elle a décidé, financée par l'Etat fédéral, de les détruire.

"Nous avons refait toutes les pièces il y a un an. Notre canapé et notre buffet sont trop grands pour le prochain appartement où nous devons être relogés. Nous avons appris à la télévision en mai la destruction de la cité. C'est honteux!", s'emporte Mme Schoeppling.
Puis elle pleure. Avant de lancer: "Dans cette ville il n'y aura bientôt plus que des retraités".

De tristes chiffres lui donneraient assez raison: à la chute du Mur en 1989, Eisenhuettenstadt (littéralement Ville des forges) comptait 53.000 habitants. Ils ne sont plus que 40.000 aujourd'hui et les prévisions s'établissent à 35.000 en 2015.

"Environ la moitié des gens sont partis vivre dans la campagne environnante, l'autre a quitté la région",
explique Torsten Gottschlag, porte-parole de la municipalité.

Cette courbe épouse celle des effectifs d'Eko-Stahl, l'énorme combinat sidérurgique qui employait du temps de la RDA 12.000 personnes, contre 3.200 actuellement, plus 3.000 salariés de sous-traitants dont l'activité était alors intégrée au combinat.

Impossible de manquer cette immense usine dont la silhouette se dresse au bout des rues partiellement ripolinées d'une ville à l'implacable géométrie, qui se voulut modèle de cité communiste, espaces verts et crèches à l'appui, lors de sa fondation en 1950 sous le nom de Stalinstadt. D'ailleurs, pour le syndicat IG Metall, "sans Eko, la ville serait morte".

Chacun travaille, a travaillé ou "espère travailler" dans cette très moderne filiale du groupe français Usinor qui offre encore les meilleurs salaires de la région, comme l'explique Cindy Golnik, 23 ans, au chômage comme 17 à 18% de la population.

Depuis 1997 et la fin de sa formation de secrétaire, elle est sans emploi et accorde un faible crédit aux "politiques qui parlent beaucoup, mais sans effet".

L'été dernier, elle a entamé un stage de deux ans de conception graphique financé par des fonds européens. Elle dit en espérer un travail "mais sûrement pas ici, même si je préférerais cette solution". Sa mère, 44 ans, au chômage depuis 1991, serait prête à la suivre.

A 33 ans, Sieglinde Schoenwiese suit le même stage que Cindy. Ex-ouvrière chez Eko, elle y a travaillé de 1986 à 1994. Depuis: chômage sans interruption. Avec ses trois enfants et son mari, lui aussi salarié chez Eko, elle se dit "prête au départ". Elle votera "probablement" pour le SPD du chancelier Gerhard Schroeder. "Je veux croire" en son projet de refonte du marché du travail promettant une mise en relation plus rapide entre chômeur et entreprise.

De l'espoir, il en faut aussi beaucoup à Lutz Neumann, de l'Agence pour l'emploi. Dans son bureau de la Karl-Marx Strasse, cet ancien lanceur de poids de haut niveau est un inlassable militant des formations pour les jeunes. Il sait pourtant que le réseau de petites et moyennes entreprises (PME) locales, à l'activité en baisse une fois passé le boom de l'après-réunification, est insuffisant pour leur fournir un emploi. Mais il assure que "les liens ne sont jamais coupés et qu'ils reviendront si on leur offre une bonne place".

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