Une association marseillaise propose de collecter gratuitement les huiles alimentaires usagées des restaurants commerciaux et collectifs afin de les transformer en biocombustibles. L'avantage : valoriser localement un déchet qui, jusqu'à présent, nécessitait un traitement chimique lourd et le transport sur de longues distances. Explications.

C'est une initiative qui devrait faire tache d'huile. Après le stade Geoffroy-Guichard de Saint-Etienne éclairé au biodiesel issu d'huiles de friture, voilà que Marseille s'y met aussi. Mais pas question encore d'alimenter le Vélodrome. En revanche, l'association Oléo-Déclic propose de retraiter les huiles alimentaires usagées en biocombustible recyclé, pour produire de la chaleur pour des locaux ou des procédés industriels. L'entité explique travailler depuis 2012 sur un procédé de valorisation "basé sur la décantation et la filtration, sobre en énergie et en intrants chimiques".

 

Car les huiles usagées sont des déchets, certes non dangereux, mais dont l'élimination est strictement encadrée. Il est par exemple totalement interdit pour les restaurants commerciaux et collectifs de les rejeter dans le réseau d'assainissement des eaux usées, de les déposer aux ordures ménagères ou même dans un bac à graisse. Aujourd'hui, la méthode "classique" de valorisation consiste à les intégrer dans la filière des biocarburants. Elles sont collectées et transportées par camion vers des usines où elles sont mélangées à de l'huile végétale pure puis transformées en biodiesel par une réaction de trans-estérification. Ce biodiesel est lui-même ensuite incorporé au diesel standard, à hauteur de 7 %. Cette méthode, qui impose un transport sur de longues distances et l'utilisation de produits chimiques, présente de plus un rendement final faible et des émissions de CO2 non négligeables.

 

Chauffer des écoles grâce à l'huile des cantines ?

 

 

A l'opposé, Oléo-Déclic souhaite privilégier un circuit court et une utilisation plus rationnelle de ces déchets-ressources. Elle collecte gratuitement les huiles alimentaires usagées auprès des restaurants commerciaux et collectifs sur Marseille et ses environs. En contrepartie, elle délivre un justificatif des volumes collectés qui permet aux restaurateurs de prouver la bonne gestion de ces déchets qui alimentent la station de valorisation prototype. Cette dernière, qui arrive à saturation avec 45.000 litres traités par an, sera bientôt remplacée par une unité de taille industrielle, d'une capacité de 200.000 litres par an. L'association revendique un processus de traitement "sobre en énergie et en chimie", qui "diminue l'énergie grise nécessaire à l'extraction, le transport et la transformation des matières premières". De plus, le biocombustible obtenu présente une haute qualité, équivalente à celle du colza carburant confectionné à partir d'huile végétale pure. Prêt à l'emploi, il présente un bon bilan environnemental puisque Oléo-Déclic préconise un usage en chauffage - par le biais de brûleurs adaptés - où le rendement est beaucoup plus élevé que dans les moteurs à explosion (au moins 90 % contre 30-40 %).

 

L'association relate différentes expériences réussies de chauffage grâce aux huiles alimentaires recyclées (HAR), notamment à Marseille (Inter-Made, une couveuse d'activité en économie sociale et solidaire) et à Six-Fours (chauffage de trois bâtiments publics dont deux écoles primaires). Elle explique même : "Il existe de nombreux appareils pouvant fonctionner avec des HAR : alambics, chauffages soufflants, groupes électrogènes…". A tel point qu'Oléo-Déclic souhaite faire sortir ces produits de leur statut de déchet et qu'une fiscalité plus avantageuse soit mise en place pour l'huile recyclée et la favoriser ainsi face aux énergies fossiles importées. Le but de l'association est de pouvoir alimenter les installations d'une puissance supérieure à 100 kW, ce qui est actuellement interdit, mais qui pourrait évoluer dans un futur proche. L'expérience intéressera alors certainement les collectivités et les entreprises. Et elle a été sélectionnée pour les Lauriers de la Fondation de France qui mettent en lumière des projets remarquables.

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