INNOVATION. Capteurs connectés et amélioration du confort, réalité virtuelle et formation professionnelle, modélisation 3D et rénovation de l'existant… découvrez toutes les solutions primées lors de la seconde édition du "Trophée Start-up Bâtiment 2020-2050". Des récompenses remises par Julien Denormandie, secrétaire d'Etat à la Cohésion des territoires, sur EnerJmeeting.

Un palmarès éclectique mais cohérent, totalement dans l'air du temps. Le jury de professionnels, réuni sous la présidence d'Alain Maugard (copilote du Plan de rénovation énergétique des bâtiments), n'a pas eu de mal à distinguer trois dossiers parmi la vingtaine qui lui a été soumise pour les délibérations du "Trophée Start-up Bâtiment 2020-2050". Les membres ont choisi de récompenser l'efficacité de solutions numériques destinées soit aux professionnels, soit aux utilisateurs finaux, et qui améliorent les performances des procédés.

 

C'est tout d'abord la start-up Librafluides Concept qui a été unanimement distinguée pour sa logique et sa simplicité. La jeune pousse propose une gamme d'objets connectés "Semlink" associés à une plateforme Web qui permettent de faire baisser les consommations de chauffage dans les immeubles dotés d'installations de chauffage collectif, sans travaux. Comment ? En s'appuyant sur l'adage "Un usager bien informé est un usager qui agit" tout d'abord. Et ensuite, en collectant et en exploitant des données pertinentes au sein des appartements (ou des locaux) par le biais de capteurs de température ambiante ("Semdegrees"). En croisant ces relevés avec d'autres informations accessibles (consommations, débits, pression…) il est donc possible de réguler le chauffage collectif non plus grâce aux températures extérieures mais bien grâce à celles régnant au cœur des logements. La start-up explique : "La gamme d'objets connectés permet de suivre les paramètres essentiels à l'optimisation des installations climatiques d'un bâtiment". Et elle donne l'exemple de deux appartements voisins, mais orientés de façon diamétralement opposées, et dont le confort sera amélioré au moyen de ce pilotage plus fin et personnalisé. Du côté de l'utilisateur, la jeune pousse fait valoir un "design des produits et interfaces Web qui répond à des attentes de vulgarisation et d'adaptabilité". La solution, simple, qui s'installe sans câblage, ni connexion Wifi ou GSM, repose sur le protocole Lora ou Sigfox. Les capteurs, peu gourmands en énergie, fonctionnent sur pile pendant plusieurs années sans souci et s'avèrent très précis (à 0,1 °C près). Des arguments qui ont convaincu les jurés. Alain Maugard déclare : "L'enjeu bien compris est celui des économies d'énergie, avec -15 à -20 % en dépensant très peu". Julien Denormandie quant à lui explique : "Cette solution répond à trois enjeux : celle des copropriétés où les travaux sont parfois bloqués, celle du gain de pouvoir d'achat pour les Français et celle de la rénovation énergétique". Le secrétaire d'Etat salue une réponse astucieuse et la démonstration concrète que la simplicité pouvait régler des problèmes sans avoir à tout démolir. "C'est un état d'esprit qu'il faudra développer dans les années à venir !".

 

Un outil de calcul automatisé pré-BIM récompensé

 

Autre jeune entreprise distinguée, Snapkin, spécialisée pour sa part dans le traitement de données de scanners 3D. Sa solution permet d'automatiser la restitution des nuages de points obtenus par relevés laser et de modéliser très rapidement le bâtiment existant afin de le rendre accessible au BIM. L'outil est donc idéal dans le cadre de l'exploitation et de la rénovation du patrimoine. Les fondateurs, Jérémy Guillaume et Damien Dous, expliquent : "MySnapkin permet, en quelques minutes, de détecter et dessiner automatiquement les murs, sols et plafonds d'un bâtiment existant. En s'appuyant sur les données d'un scanner 3D, l'algorithme permet de diviser par trois le temps passé à la modélisation". Un gain de temps extrêmement appréciable pour les professionnels qui devrait réduire le coût de création d'une maquette numérique d'environ 30 %. Les deux partenaires précisent avoir passé 4 ans de R&D pour développer cette solution d'intelligence artificielle qui ne cessera de s'enrichir de nouvelles capacités de détection d'objets architecturaux par le biais du "deep learning". Snapkin travaille d'ores et déjà avec de grands noms comme Bouygues ou la RATP mais elle entend tirer profit de l'immense chantier de rénovation énergétique des bâtiments qui s'annonce en France, avec près de 30 millions de logements nécessitant une réhabilitation dans les prochaines décennies. Alain Maugard explique : "Pour le neuf le BIM est là, mais il y a de belles perspectives dans l'existant. Il y a sur le stock cette possibilité de maquette numérique qui est absolument stratégique". Julien Denormandie ajoute : "C'est une victoire pour tous que l'émergence du BIM. On pense à l'innovation pour l'habitat de demain, mais il y a un vrai sujet pour l'ancien aussi, où il y a un vrai coup d'accélérateur à donner".

 

Le coup de cœur des jurés pour la formation par réalité virtuelle

 

Enfin, toujours dans cette veine de solutions de pointe appliquées à la vie quotidienne, le jury a souhaité décerner un coup de cœur à Batiscaf, un projet de formation en réalité virtuelle pour les professionnels de la performance énergétique. Développée par Nobatek et l'Institut national pour la transition énergétique et environnementale du bâtiment (un centre de recherche technologique privé), cette offre permet aux acteurs du secteur d'acquérir de nouvelles compétences grâce à cet apprentissage en milieu virtuel qui les prépare aux différentes conditions qu'ils rencontreront plus tard au quotidien dans leur entreprise. Comme l'expliquent les développeurs : "Batiscaf mobilise les mécanismes de jeu vidéo et les transpose à l'apprentissage professionnel. La force et la souplesse de l'image virtuelle recréent une situation concrète dans laquelle on évolue et interagit naturellement. L'apprenant pense et agit comme s'il était en situation de travail". L'immersion grâce au casque de réalité virtuelle autorisera toutes les postures afin de s'entraîner aux procédures d'examen énergétique sur des installations existantes. Selon ses concepteurs la technologie génèrera des économies d'échelle en consacrant un espace unique à la formation, capable de reproduire toutes les situations nécessaires, qu'elles soient rares ou spécifiques à un type de bâtiment. Et la solution sera évolutive et modulaire, avec l'introduction au fur et à mesure de nouveaux scénarios plus complexes ou adaptables au niveau de l'apprenant. Alain Maugard précise : "Le bâtiment est considéré comme un vieux secteur. Mais pour provoquer un peu on peut dire que le fil à plomb et la truelle c'est fini. Nous pouvons avoir les outils les plus modernes. Et le virtuel est pratique : on peut se former à distance ou pour une problématique comme l'amiante". Julien Denormandie s'est dit "totalement en phase avec cette tendance". Pour lui "la mère de toutes les batailles est celle de la formation, qui permet de décrocher des contrats et de garder une longueur d'avance". Il salue une solution "géniale" et complémentaire des autres startup récompensées.

 

Philippe Nunes, le directeur d'EnerJmeeting et membre du jury, nous explique : "J'observe une tendance au tout numérique de plus en plus forte. C'est bien, cela crée de la valeur et l'économie française en a besoin, car la concurrence américaine est rude. Mais il faut être vigilant sur ce qui fera vraiment de la qualité pour le bâtiment. Collecter et analyser de la donnée est nécessaire". Les trois sociétés lauréates de cette édition 2018 du "Trophée Start-up Bâtiment 2020-2050" en sont l'illustration. Toutes les trois reposent sur des capteurs qui collectent et traitent de la data, de façon automatisée, de façon à restituer une information utile et pertinente. Quant au président du jury, Alain Maugard, il conclut : "Toutes les autres startup n'ont pas démérité. Il faut distinguer des tendances : la régulation, le BIM, le traitement de la data - qui est un champ extraordinairement nouveau et un progrès énorme". Il cite également les matériaux biosourcés et les systèmes de cogénération et souhaite "un volet innovation et assimilation des technologies fort dans le plan de rénovation énergétique".

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