Alors que le congrès des maires placé sous les signes des dotations de l'État s'est ouvert ce mardi en présence du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, une étude de l'AMF pointe le niveau historiquement bas en 2015 pour l'investissement public local. En effet, 30 % des élus sont contraints de diminuer les frais d'entretien et de travaux.

Baisse des dotations, augmentation des charges, chute de l'investissement des communes, et par conséquent une baisse sur l'emploi, notamment dans les travaux publics. Durant ce dernier congrès des maires de France avant la présidentielle de 2017, placé sous le signe des dotations de l'État, les 8.000 élus espèrent encore déclencher une prise de conscience au sommet de l'État. D'ailleurs, dès l'ouverture de l'évènement, l'Association des maires de France a rappelé que "la baisse des dotations et l'augmentation des charges ont un effet particulièrement néfaste sur l'investissement des communes, passé de 200 milliards d'euros pour l'ensemble des communes sur la période 2001-2007 à 130 milliards sur 2014-2019."

 

Une situation de paralysie de l'investissement public confirmée également par une étude de l'AMF portant sur l'impact de la baisse des dotations dévoilée mardi 31 mai 2016 auprès d'un panel de 470 collectivités et 30 Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI).*

 

"L'année 2015 enregistre un niveau historiquement bas pour l'investissement public local", Philippe Laurent

 

"L'année 2015 enregistre un niveau historiquement bas pour l'investissement public local, a rappelé Philippe Laurent, secrétaire général de l'Association des maires de France. Dans ce contexte, 60 % des communes du panel de l'étude espèrent cependant pouvoir augmenter leurs investissements cette année, alors que 30 % seront contraintes de les diminuer et 10 % de les maintenir au niveau de 2015."

 

Au final, les communes interrogées font part d'une nécessité d'investir en 2016 en raison des reports antérieurs de projets d'équipements, et de la nécessité d'assurer le maintien du niveau de service public sur leur territoire. "Malgré tout, parmi les EPCI interrogés, 68 % espèrent augmenter leurs dépenses d'équipement, et 32 % les diminueraient", pointe l'enquête.

 

Les réponses des élus concernant les investissements sont les suivantes : "choix des investissements en fonction des retombées économiques"; "moindre croissance ou report des investissements" ; "report de travaux de mise aux normes de certains équipements dès lors qu'ils n'engagent pas la sécurité du public" ; mise en place de contrats pluriannuels de financement avec les partenaires et associations ou encore le "report de l'entretien courant".

 

Dans la même étude, l'AMF cite l'exemple de reports des dépenses d'entretien et la limitation des investissements selon la taille de la commune. Ainsi, pour une commune de 130 habitants, "les travaux d'entretien des bâtiments communaux (peinture, petites réparations) seront effectués en corvées par le conseil municipal afin de réduire au maximum ces dépenses ce qui bien entendu pénalise les artisans locaux", signale l'étude. En ce qui concerne l'investissement, une fois les travaux de mise en accessibilité achevés, il sera réduit au minimum.

 

"Des investissements en sommeil"

 

Autre constat pour une commune de 980 habitants : "L'autofinancement va perdre 50.000 euros en 2017 soit 8,50 % des recettes réelles de fonctionnement de 2016." Dans cette situation, "les investissements sont en sommeil et plus de projets en perspective car l'autofinancement net dégagé ne servira qu'à rembourser la dette et assurer au minimum le gros entretien de la voirie et des bâtiments", nous confirme-t-on à l'AMF.

 

Situation identique dans une commune de 6.600 habitants. "À partir de 2017, le budget de la commune ne permettra pas de dégager les marges d'autofinancement suffisantes pour réaliser les travaux de maintenance du patrimoine, complète l'AMF. Nous ne pourrons pas non plus lancer les opérations nouvelles (création rendue obligatoire d'un groupe scolaire dans le cadre de l'accueil de nouvelles populations - loi SRU-) sans augmentation importante des impôts locaux (+ 10% !)."

 

Enfin, l'enquête cite l'exemple d'une ville de 117.500 habitants : "Pour maintenir une capacité financière soutenable sur le mandat, il convient de dégager au moins 16 millions d'autofinancement supplémentaire en 3 ans (2015-2017), ajoute-t-elle. C'est sur l'entretien courant du patrimoine que l'impact de la baisse des dotations sera le plus fort. Cette ville, a, par exemple, été contrainte de reporter certains travaux, prévus à hauteur de 8,4 millions d'euros. Il sera très difficile, voire impossible, de financer l'adaptation des bâtiments municipaux aux normes d'accessibilité dans le calendrier prévu par le Gouvernement."

 

 

L'accumulation des normes dans le collimateur des maires

 

C'est pourquoi les collectivités interrogées estiment que "l'arrêt de la baisse des dotations est urgent" et limiterait la baisse des investissements. Autre inquiétude : "les normes jugées superfétatoires". "Nous dénonçons l'accumulation de normes contraignantes et déconnectées de la réalité (normes d'encadrement, normes techniques) souvent sans aucun bénéfice pour leurs administrés, rappelle Philippe Laurent, maire de Sceaux et aussi vice-président de la Commission consultative de l'évaluation des normes (CCEN). Nous demandons ainsi un moratoire sur les normes, ou a minima que soit ralenti le rythme des réformes imposant la réalisation de travaux pour la mise aux normes des bâtiments et espaces publics (sécurité, accessibilité), l'augmentation mécanique des charges de personnel, et accroissant le poids des normes d'encadrement scolaire et périscolaire."

 

Les hypothèses avant les annonces ce jeudi de François Hollande

 

Au final, l'AMF reste sur ses gardes face au discours de François Hollande, prévu ce jeudi et prévient qu'il ne s'agit pas de mettre en parallèle un milliard d'euros en regard des 28 milliards d'euros supprimés sur les trois ans (2015-2017). Parmi les hypothèses qui circulent à ce jour : le maintien de la dernière tranche de 3,67 milliards d'euros en 2017 compensé par un fonds de soutien à l'investissement du bloc communal de l'ordre de 1,5 milliard d'euros ; l'étalement de la dernière tranche sur deux ans, soit 2017 et 2018, la réduction de la dernière tranche pour 2017 de 3,67 à 2 milliards d'euros ; ou encore l'annulation pure et simple de la dernière tranche, exigée par l'ensemble du bloc communal. "La première hypothèse irait dans le bon sens et permettrait de lancer les architectes, les ingénieurs et les bureaux d'études", a commenté ce mardi André Laignel, maire d'Issoudun et vice-président de l'AMF.

 

"L'Europe va être plus attentive aux maires de France", Jean-Claude Juncker

 

Enfin, l'AMF a souligné les conséquences négatives des baisses de dotations sur la capacité des collectivités françaises à participer au plan Juncker de relance de la croissance en Europe adopté fin 2014. Réponse de l'intéressé Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne : "Je ne pas vais m'immiscer sur la question des dotations. Mais, toutes les communes sont les bienvenues pour participer à ce plan. Les maires de France sont insuffisamment audibles. L'Europe va être plus attentive."

 

Rappelons que ce fonds est doté d'une enveloppe de "plus de 315 milliards d'euros envisagés sur trois ans […] avec une garantie de prise de risque offerte à ceux qui portent des projets."

 

Méthodologie
*Une enquête a été lancée par l'AMF du 24 février au 18 mai 2016. Sur un panel de 762 collectivités dont 661 communes et 101 EPCI, 470 dont 30 EPCI ont répondu à l'enquête de l'AMF à ce jour, soit 62 % de réponses (représentant environ 8,9 millions d'habitants).

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