Le Salon du meuble qui se tient jusqu'au 14 janvier à Paris, porte de Versailles, met en lumière l'utilisation de nouveaux matériaux par les créateurs de mobilier. Verre, plastiques, Corian, technopolymères, et autres textiles offrent de nouvelles possibilités aux designers d'aujourd'hui… mais aussi pourquoi pas aux architectes de demain.

La mise au point de nouveaux matériaux, l'emploi de nouveaux composites, le détournement des matières... sont certainement un des tendances du Salon du meuble de Paris.

On le voit à travers quelques produits exposés par les industriels, mais surtout à travers les expositions de créateurs organisées par le salon. Ainsi, l'exposition Le Phare 2002 présente les résultats des explorations des étudiants de l'atelier mobilier de l'ENSAD en matière de traitement de surface, notamment. Quant aux 30 designers regroupés autour de Christian Ghion dans Recherches du Design Lab, ils ont travaillé à la réalisation de prototypes, avec des fabricants de matériaux, afin d'utiliser au mieux leur savoir-faire...

Le besoin d'un design intemporel, destiné à traverser une vie et même des générations laisse malgré tout de la place aux expériences originales. Le temps opérera sa sélection, mais d'ores et déjà, on peut, sans trop s'avancer, considérer comme remarquable la fièvre qui s'est emparée des industriels dans la recherche de nouveaux matériaux. Nouveaux matériaux, nouveaux composites, utilisation renouvelée de matériaux connus depuis des décennies, utilisation de matériaux détournés et de techniques aléatoires, de matériaux sensibles à la chaleur, de matériaux à mémoire de forme, de nouvelles techniques de sérigraphie, personnalisation des produits et même modification possible de leur aspect selon l'humeur de l'utilisateur.

Citons dans ce domaine, à titre d'exemple cette bibliothèque, en verre opalescent dessinée par Wulf Schneider et distribuée par Yellow Office. A l'aide d'une télécommande, il est possible de déterminer sa couleur. Une innovation rendue possible par l'adoption d'une technologie utilisée par l'industrie automobile (tiges de lampes DEL).

Cette recherche de nouveaux matériaux est particulièrement flagrante dans les luminaires. On se souvient par exemple du luminaire 3D conçu par François Azambourg. Parmi ses particularités, il est composé d'une poche étanche gonflée d'air et réalisée dans un textile tridimensionnel, ainsi que d'une structure métallique, laissée visible grâce à la transparence du PVC. Ce luminaire fonctionne avec une fibre optique à rayonnement latéral qui diffuse la lumière sur toute la longueur du fil. Un concept tout plastique, qui devrait permettre de créer des luminaires, mais aussi des parois lumineuses, des surfaces gonflables. Cette année, François Azambourg propose dans Design Lab, en partenariat avec Tissavel/Certec, une chauffeuse " 3D textile ".

L'évolution du Corian est également assez révélatrice de la tendance actuelle qui tend vers l'exploration de nouveaux matériaux. Initialement utilisé pour l'habillage de surfaces horizontales et verticales, ce matériau produit à base de résines par Dupont de Nemours depuis plus de 30 ans pénètre aujourd'hui l'univers de l'objet domestique quotidien, comme ces vases colorés d'Arcodif - design Mik R - récemment présentés par le musée des Arts décoratifs à Paris, et dont les couleurs puisent dans la gamme des 90 nuances de la palette, mise au point sous la houlette d'Ettore Sottsass. Au Salon du meuble de Paris, le Corian se retrouve sous la forme de la superbe lampe Squeeze de Claudio Colucci, sur la toute nouvelle chaise longue dessinée par Christian Ghion et même dans les arts de la table avec une assiette signée par la créateur de l'année François Bauchet.

Le plastique est également au coeur de la création de mobilier. L'exposition "Tout Simplement Design" qui s'est tenue au mois d'octobre dernier, à l'Atelier Renault, sur les Champs Elysées, par La Métropole du salon du meuble de paris a souligné l'explosion des matériaux plastiques.

Citons par exemple les chaises Hole des frères Bouroullec, la Beach Table de Christophe Pillet, les meubles à découper des Radi designers, le ventilateur Thykho de Marc Berthier...

Quant à la Chaise romaine d'Olivier Védrine avec inclusion de dentelle ou la chaise Rainbow de Patrice Norguet, éditée chez Cappellini, elles prolongent la voie poétique ouverte à l'Altuglas par Shiro Kuramata en 1989. De plus en plus utilisé en architecture, cet acrylique (plus exactement polyméthacrylate de méthyle ou PMA) est si transparent qu'il a d'abord été utilisé pour les hublots d'avion. Insensible aux UV et d'une bonne durabilité dans le temps, sa brillance permet de magnifier la couleur à l'image de l'italien que Kartell développe, à partir de recettes jalousement gardées, des nouvelles brillances et des effets de transparence qui donnent aux couleurs des technopolymères (en particulier le polypropylène, polyamide et polycarbonate) une profondeur et un éclat inconnus (Chaise Eros, tabouret Boem, design Philippe Starck ).

Avec la couleur, le confort est un axe de recherche important. Il peut revêtir une dimension à la fois étrange et ludique grâce au transfert d'une technologie médicale employée désormais pour la production de mobilier. Il s'agit de l'utilisation du Technogel produit par Bayer-AG Leverkusen. Ses caractéristiques de non-toxicité et sa capacité à absorber les chocs lui permettent, dans certains cas, de se substituer à la mousse des assises et des dossiers de sièges, couleurs acidulées en prime comme pour le siège Gel dessiné par Werner Aisslinger et édité par Cappellini.

Quant aux mousses viscoélastiques en polyuréthane, outre une double combinaison de souplesse et de densité, elles ont pour spécificité d'assurer un maintien parfait puisque, à l'écrasement, elles offrent un maximum de surface de contact. On se sent si parfaitement enrobé que l'on en retire une délicieuse sensation de confort. Gaetano Pesce, dans les années 80 avait déjà su mettre en oeuvre de façon spectaculaire la propriété de ce matériau capable d'être compressé et de revenir à sa forme originelle. Comme d'autres, la banquette dessinée par Matt Sindall présentée l'an dernier sur Design Lab et éditée depuis par Sawaya and Moroni, joue sur cette ambiguïté : elle garde pendant un moment l'empreinte du corps...

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