REACTIONS. Malgré la rédaction d'une instruction interministérielle affirmant que la clause Molière était "illégale", certains de ses promoteurs, en région, ont réaffirmé à Batiactu leur volonté de la faire appliquer. Que risquent-ils vraiment ?

Hier, l'existence d'une instruction interministérielle invitant les préfets à considérer la clause Molière comme "illégale" était révélée. Mais elle n'a pas découragé les promoteurs de ce dispositif qui vise à imposer l'usage du français sur les chantiers de marchés publics. Ils persistent et signent. A l'image de Vincent You, adjoint au maire d'Angoulême et "inventeur" de cette clause. "Je suis consterné de voir que quatre ministres ont rédigé un texte de six pages complètement hors-sujet", regrette-t-il auprès de Batiactu. "La clause Molière consiste à dire que les salariés doivent bien intégrer les règles de sécurité, soit en comprenant le français, soit en ayant recours à un interprète. Or, la circulaire part du principe que la clause Molière oblige de parler le français".

 

Cette instruction remet-elle en cause les chantiers publics lancés avec cette clause ? "Nous avons plusieurs chantiers lancés, ils vont se poursuivre", affirme Vincent You. "Ils marchent très bien, et ils ont permis de soutenir l'emploi local. Par exemple, j'ai indiqué à un entrepreneur qui voulait embaucher des salariés polonais qu'il devrait obligatoirement embaucher un interprète : il s'est donc tourné vers l'emploi de salariés français", affirme Vincent You. L'adjoint au maire d'Angoulême estime toutefois que, dans certaines régions, des maîtres d'ouvrage poublics devront argumenter auprès des préfets pour ne pas tomber sous le coup de cette instruction qui ne plaît pas à tout le monde.

 

En Auvergne-Rhône-Alpes, "nous ne changerons pas notre fusil d'épaule"

 

En Auvergne-Rhônes-Alpes, Laurent Wauquiez, président du conseil régional, avait également fait appliquer la fameuse clause. "Nous ne changerons pas notre fusil d'épaule", assure à Batiactu l'un de ses proches. "Ce n'est pas une instruction interministérielle mise en vigueur à quatre jours du second tour de l'élection présidentielle qui va nous faire changer notre fusil d'épaule", ajoute-t-il. "Nous sommes prêts à aller devant le tribunal administratif, s'il le faut. Nous emploierons toutes les armes pour que les impôts de notre Région qui financent les chantiers servent aux entreprises et aux emplois de notre région."

 

De son côté, l'équipe de Valérie Pécresse (LR), présidente de la région Ile-de-France faisant partie des élues qui ont décidé d'imposer l'usage du français sur les chantiers dont la collectivité est maître d'ouvrage a réagi auprès de Batiactu ce jeudi : "La clause Molière en Île-de-France est tout à fait conforme à la réglementation. Nous avons d'ailleurs commencé à l'insérer dans des appels d'offre depuis la mi-avril. Dans notre région, cette clause est appliquée pour des raisons de sécurité. Sur un chantier, soit la personne parle français, soit il y a un traducteur avec elle."

 

Sur le plan du droit, la circulaire "ne change rien", selon une avocate spécialisée

 

Les promoteurs de la clause Molière souhaitent-ils introduire un recours contre cette instruction ? Pour Vincent You, l'idée est dans les tuyaux. "Certaines collectivités locales se posent déjà la question de faire en sorte de rendre caduque cette instruction", nous explique-t-il. "Il faudrait inscrire la clause Molière dans la loi, de manière à ce que les choses soient davantage cadrées."

 

Quoi qu'il en soit, sur le plan du droit, "l'envoi de cette instruction interministérielle ne change rien", rappelle Elisa Jeanneau, avocate au cabinet Seban et associés. "Le mérite de ce texte est toutefois de clarifier la position des pouvoirs publics sur ce point. Cela harmonisera la politique en la matière au niveau national." Pour l'avocate, l'argumentaire des pouvoirs publics, sur ce sujet, est cohérent avec la jurisprudence et le cadre juridique européen. "Quand on regarde la doctrine sur la question, aujourd'hui, rares sont les personnes qui défendent la légalité de cette clause", ajoute-t-elle.

 

Le ministère de l'Intérieur rappelle à Batiactu le rôle que devront avoir les préfets à l'égard de la nouvelle procédure interministérielle : "Face à un acte illégal, le préfet peut dissuader la collectivité d'utiliser la clause Molière. Si la collectivité refuse ou ne répond pas, elle a la possibilité d'aller au contentieux auprès du Tribunal administratif (TA). Le préfet peut également aller directement au contentieux, où il peut demander la suspension de la clause et dans ce cas le TA statuera en urgence."

 

Détachement illégal de travailleurs : comparatif des programmes entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron

 

Pour lutter contre le détachement illégal de salariés sur le sol français, Emmanuel Macron souhaite "limiter à un an la durée autorisée de séjour d'un travailleur détaché dans notre pays et redéfinir au niveau européen les règles du détachement pour mettre fin à toutes les formes de concurrence sociale déloyale". Il en a dit un peu plus lors du débat de l'entre-deux tours, le 3 mai. "Je souhaite profondément changer la directive sur les travailleurs détachés, et ce dès le début de mon mandat. Je souhaite, pour un même travail dans un même pays, un même salaire charges comprises. Et je veux parallèlement renforcer les contrôles."

 

Marine Le Pen, de son côté, souhaite supprimer sur le territoire la directive, à l'origine d'une concurrence déloyale "inadmissible". Pour cela, la candidate du Front national veut mettre en place une taxe additionnelle sur l'embauche de salariés étrangers.

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