Pour Philippe Ros, architecte du cabinet Béchu, "les liens contractuels sont insuffisants : ils n'imposent qu'une journée de présence aux maîtres d'œuvre alors qu'il faut être présent tous les jours. Il faut s'organiser pour limiter les risques avec des gens disponibles, volontaires et consciencieux. Les maîtres d'ouvrage devraient donner davantage de moyens aux maîtres d'œuvre pour cette prévention". Jean-François Delhay, chef du bureau d'ingénierie et d'expertise technique au ministère de la Culture, qui pense également que des plans de prévention sont à monter sur tous les chantiers et à faire connaître des intervenants, pointe un problème de communication : "Il y a une perte des savoirs, car il n'y a pas d'enseignement aux nouveaux arrivants du regard à porter sur le risque incendie". Il recommande de faire attention aux matériaux utilisés - notamment les composites qui s'échauffent en cas de frottement - et de rappeler les situations à risque. "Il ne faut pas de nouvelles règles, juste un rappel de la bonne pratique", poursuit-il.

Porter une attention particulière aux matériaux employés

Concernant ces matériaux, François Asselin, entrepreneur en menuiserie-charpenterie, explique : "Les matériaux écologiques ont d'excellentes caractéristiques en isolation mais ce sont des bottes de foin qui prennent feu facilement". Le professionnel préconise de toujours se documenter sur les matériaux rencontrés sur un chantier, en particulier des isolants rajoutés. "Nous travaillons sur la contrefaçon : on ne s'en aperçoit pas mais l'outillage et les matériaux sont souvent contrefaits. Les lampes d'éclairage par exemple, sont en fait des achats aussi sensibles que les outillages électroportatifs. Là encore, le plus important est la transmission du savoir et la pédagogie à ceux qui n'ont jamais vécu un incendie", raconte-t-il, lui dont le chantier a été victime du sinistre de l'hôtel Lambert, sur l'île Saint-Louis à Paris. "C'est un vrai traumatisme : l'opération était terminée mais non livrée et tout est parti en fumée", conclut-il.

Faire des rondes sur les chantiers

Heureusement pour lui et son entreprise, il avait souscrit un contrat tous risques chantier : "Etre bien assuré est très important, la survie de l'entreprise peut se jouer en cas de sinistre. Nous avions souscrit l'option 'avant réception'. Certes le contrat était plus cher mais en cas de problème cela change la vie de l'entrepreneur de savoir que tout sera pris en charge, sans difficultés". Les professionnels de la construction sont invités à systématiquement demander des signatures pour les "permis feu", ces documents de sécurité devant être établis préalablement à toute opération risquée. "Il s'agit d'un élément fort de prévention, qui identifie les risques et les moyens d'alerte. Impossible de faire fi de ce document", prévient Dominique Baroux, spécialiste des produits IARD, risques spéciaux et production à la SMA. Parmi ses recommandations, la réalisation de rondes dans le chantier, deux heures après la fin de travaux permettrait de lutter contre les feux couvant. Et la souscription de contrats facultatifs (tous risques chantier, contrat dommages incendie pour un bâtiment existant), est vivement encouragée. Car les conséquences peuvent être lourdes : matériel et approvisionnement détruits, perte d'exploitation ou de revenus, voire dommages corporels. De quoi donner à réfléchir aux petites entreprises qui rechignent encore face au coût de la prévention.

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