EXCLUSIF. Biennale de l'Habitat Durable, politique du logement et de l'urbanisme de Grenoble… Eric Piolle, maire de Grenoble (EELV) élu en 2014, nous confie ses attentes, ses projets, ses envies et répond aux polémiques. Entretien.

Batiactu : La 5e édition de la Biennale de l'Habitat Durable de Grenoble se tiendra du 9 au 11 avril 2015. C'est votre première édition en tant qu'élu, quelle impulsion souhaitez-vous lui donner ? Quels seront les temps forts ?
Eric Piolle :
J'ai souhaité une édition avec un regard autour des usages, une réflexion sur comment la ville peut être construite par ses habitants, pensée et appropriée par eux. Que l'on garde cet esprit urbain, à la fois espace de projet et espace d'anonymat et de conflit d'usages, avec en arrière plan l'idée que la technologie doit être au service de la vitalité urbaine.
Le parc des expositions, qui est l'ancienne caserne de Bonne, recevra l'espace d'expositions pour les professionnels. La dématérialisation, mise en œuvre lors de l'édition de 2013, aura aussi toute sa place, avec la diffusion de vidéos et reportages sur la chaîne terre.tv. Depuis deux ans, nous enregistrons 500.000 vues, preuve que ça fonctionne bien, grâce à des formats intéressants. Des visites ouvertes à tous auront lieu le samedi sur différents sites de la ville. Je souhaite une appropriation citoyenne de la ville, et montrer que l'on a une approche globale d'une ville qui n'est pas seulement conçue par des technophiles.

 

Batiactu : L'usage est-il au cœur de votre politique du logement ? Vous semblez préférer la qualité à la quantité…
E. P. :
En effet, l'usage est ma priorité. Ma politique, ce n'est pas forcément faire moins de logements, mais sortir d'une logique où précédemment il y a eu un rythme de construction effréné (+ de 1.000 logements par an), dont on a vu qu'elle ne produisait pas les résultats escomptés. L'objectif était de dire que Grenoble est une métropole en forte croissance, en réalité, la population a peu varié depuis quarante ans, et se stabilise aujourd'hui entre 155.000 et 165.000 habitants. Le besoin en logement est toujours là, la demande de logements sociaux étant toujours aussi forte, avec 8.000 demandeurs sur l'agglomération. Construire pour construire, car cela entretient le modèle, a des conséquences néfastes. Comme de se retrouver avec trop de projets à mener en parallèle, ce qui réduit les débats et le suivi avec la population, et d'avoir des chantiers un peu 'hors contrôle'. D'autre part, on a assisté à des déplacements de population à l'intérieur de la ville, générant des problèmes d'adéquation des services publics dans certains quartiers, notamment en matière d'écoles. A ce jour, il nous manque 4 ou 5 écoles sur Grenoble. Sur le plan de la transition énergétique, construire autant sans contrôle, c'est prendre aussi des risques sur la qualité du bâti.
Grenoble est la 3e ville la plus dense de France. Il faut donc penser densité en termes d'habitants, mais aussi densité en termes de bâti sur surface disponible, ce qui fait l'agrément de vie au final. Repenser l'espace public est une de mes priorités.

 

Batiactu : Vous avez marqué une rupture avec votre prédécesseur (Michel Destot, ndlr) en arrêtant certains projets de construction… qu'en est-il?
E. P. :
Le seul quartier que l'on ait arrêté en termes de construction, c'est celui de l'Esplanade. C'est un Champ de Mars qui date du 17e siècle. Nous l'avons passé en parc, en espace non constructible, c'est un espace dont devra se saisir l'ensemble de l'agglomération. Aujourd'hui, il est occupé un bon tiers de l'année par des cirques, festivals et autres foires. On a besoin d'espace public comme celui-ci, qui ne soit pas bâti.
Il faut également articuler la construction neuve avec la réhabilitation. Je viens de prendre la présidence du plus gros bailleur social de l'agglomération qui gère plus de 12.000 logements. La réhabilitation est fondamentale. On a aussi commencé à faire une nouvelle expérience, en transformant des bureaux en logement.

 

Batiactu : Avez-vous des nouveaux projets d'urbanisme ?
E. P. :
La révision du plan local d'urbanisme (PLU) nous permet d'avoir une nouvelle approche pour mettre de la cohérence dans des projets qui sont débattus avec la population et qui nous tiennent à cœur. Si la construction ne correspond pas à un besoin, c'est incohérent. Dans le cas de la Presqu'île de Grenoble, nous avons arrêté un projet de boucle d'eau tiède qui, en théorie, était intéressant. Nous avons revu ce projet en le simplifiant et réduisant l'investissement d'un facteur 5, ce qui divise par 2 la facture pour les futurs usagers. On allait construire des logements BBC avec des charges qui étaient celles de logements standards qui ont du logement social, une aberration !
Il faut avoir du sens et une cohérence dans un plan global. Et dépasser les frontières communales car il est important de penser la ville à l'échelle de la métropole.

 

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