SOMMET DE LA CONSTRUCTION. Les professionnels de la construction le confirment, la reprise est bien là. Bien qu'encourageante, la situation reste fragile. Ce redémarrage de l'activité laisse toutefois apparaître une fracture territoriale.

Réunis pour le 6e Sommet de la construction, les acteurs de la construction s'accordent à dire que le bâtiment est au cœur de la reprise. Sandrine Pallud, commissaire aux comptes chez KPMG le confirme, "les signes de reprise sont là". Elle tempère cependant en soulignant que les marges restent à plat et que la vision des entreprises reste à court terme. Les signes positifs divergent selon les acteurs. Le gros œuvre, par exemple, tire son épingle du jeu avec la hausse des mises en chantier et celle des permis de construire. "La trésorerie est le nerf de la guerre", dit-elle annonçant que 40% des dirigeants déclarent une activité positive et que 41% sont à l'équilibre. Il y a donc une amélioration de la trésorerie".

 

Cependant, concernant les effectifs "l'heure est à la prudence", constate Sandrine Pallud. Elle note que "seuls 12% des chefs d'entreprises anticipent des embauches. Il leur est donc encore difficile de se projeter dans le futur". Concrètement, les perspectives sont plus encourageantes pour les entreprises de plus de 10 salariés, précise-t-elle.

 

Elle souligne également que la construction neuve encourage le secteur. En 2016, 130.000 logements sociaux ont été financés par les bailleurs et les collectivités locales relancent les projets qui ont été gelés. Selon elle, les carnets de commandes vont s'accroitre, ce qui va bénéficier dans un premier temps aux grands donneurs d'ordre puis aux plus petites entreprises.

 

Le poids des normes et des charges

 

Malgré cet élan positif, nombre d'intervenants ont évoqué le poids des normes et des charges, qui vient freiner l'activité. Christophe Boucaud, directeur maîtrise d'ouvrage et politiques patrimoniales au sein de l'Union sociale pour l'habitat (USH), souhaite que le gouvernement stabilise le cadre pour conforter les marges des entreprises, rappelant que les normes engendrent parfois des coûts supplémentaires pour les maîtrises d'œuvre comme pour les maîtres d'ouvrage.

 

"On ne demande que ça de recruter mais pour cela nous avons besoin de sérénité"

Un entrepreneur, interrogé dans un reportage, souhaite quant à lui que le nouveau gouvernement baisse les charges, et notamment sur les heures supplémentaires, et revoit les règles du travail afin "d'avoir plus de souplesse dans les embauches". "On ne demande que ça de recruter mais pour cela nous avons besoin de sérénité", explique-t-il.

 


Mais cette reprise est-elle pérenne ? Va-t-elle créer des emplois ?

 

Eric Hayer, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), considère que "oui, la reprise est là" mais qu'elle "est graduelle". De son côté, François Pupponi, maire de Sarcelles et président de l'ANRU, constate également que l'activité repart et qu'il ne faut pas s'arrêter là. Concernant le financement des entreprises, Bertrand Lussigny, directeur du département supervision bancaire de la Fédération bancaire française (FBF), est confiant. Il rappelle que le système bancaire actuel est efficace, stable et solide s'appuyant sur la garantie, les taux fixes et l'analyse de la solvabilité des emprunteurs. "Trois piliers à préserver pour que les projets d'accession continuent à se réaliser dans des conditions favorables", selon lui. Bruno Lucas

 

Mise en évidence de la fracture territoriale

 

Pourtant, malgré ces signes positifs pour le secteur, tout le monde n'est pas logé à la même enseigne, soulignent les acteurs de la construction. Nombreux sont ceux à s'inquiéter en effet de la fracture territoriale. Brice Teinturier, directeur général de l'institut Ipsos, évoque "quatre visions différentes du monde qui s'affrontent", faisant référence aux résultats du premier tour de la présidentielle. Olivier Salleron, Président de la FFB Aquitaine, constate effectivement de grandes disparités entre les grandes métropoles et les territoires ruraux. Pour lui, "il ne faut pas casser ce qui marche" et ce qui encourage la construction comme c'est le cas pour les incitations fiscales (CEE, CITE, PTZ).

 

"Il ne faut pas oublier toute cette France qui se sent et qui est délaissée", Jacques channut, lors du 6e Sommet de la construction

 

 

Jacques Chanut rappelle que même si le nouveau président de la République, Emmanuel Macron entend continuer une politique d'investissements de rénovations lourdes dans les quartiers prioritaires "il ne faut pas oublier toute cette France qui se sent et qui est délaissée". Le président de la FFB nous explique : "il faut se rendre bien compte que ce n'est pas parce qu'il y a des logements vides dans ces territoires-là, qu'il n'y a pas de problèmes de logements. Si ces logements ne sont pas adaptés, pas aux normes ou pas conformes aux attentes, notamment pour les plus anciens ou les jeunes, c'est normal qu'ils soient vides. On se doit d'accompagner la rénovation de ces centres bourgs plutôt que d'imaginer un étalement périphérique".

 

En conclusion du sommet, le président de la FFB, a donc interpellé les membres du gouvernement "sur les risques de casse dans le secteur et de renforcement de la fracture territoriale". Conscient que des "sacrifices" seront demandés à tous, il espère que les mesures en faveur de la construction ne seront pas pénalisées. "La suppression du Pinel, du PTZ et du CITE équivaudrait à une double peine en particulier pour l'emploi", a-t-il déclaré. "Le bâtiment, par son implantation dans les territoires, constitue un vecteur incontournable du pacte républicain. Il faut maintenant, après le diagnostiques et les prises de conscience, passer au actes. On a su le faire pour la rénovation urbaine, à nous, tous ensemble de le faire pour lutter contre la fracture territoriale", a-t-il conclu.

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