DECISION. Tout en affirmant ne pas autoriser la clause Molière en France, le Conseil d'Etat vient néanmoins d'en autoriser une version : celle de rendre obligatoire l'utilisation d'un interprète sur un chantier public. Analyse.

C'est un petit coup de théâtre. Alors même que le rapporteur public du Conseil d'Etat, Gilles Pellissier, estimait qu'une version de la clause Molière n'avait pas lieu d'être, l'instance en a finalement décidé autrement. Elle a rejeté un recours contre les "clauses d'interprétariat" prévues pour un marché public de travaux. "Il faut savoir que dans 90% des cas, l'avis du rapporteur public est suivi", afirme un avocat spécialisé auprès de Batiactu. "Ce cas-là fait donc partie des exceptions."

 

Le conseil d'Etat précise toutefois qu'il ne valide pas la "clause Molière", à proprement parler, celle-ci consistant à rendre obligatoire l'usage du français sur les chantiers. Le dispositif dont il est question ici ne concerne que l'utilisation d'un interprète pour exposer les droits sociaux dont disposent les travailleurs et les règles de sécurité qu'ils doivent respecter sur le chantier.


Les clauses d'interprétariat "présentent un lien suffisant avec le marché"

 

Pour rappel, la clause Molière en Pays-de-la-Loire avait, dans un premier temps, été validée par le tribunal administratif de Nantes. A la suite de quoi le ministère de l'Intérieur s'était pourvu en cassation ; c'est ce pourvoi qui vient donc d'être rejeté par le Conseil d'Etat.

 

Quelles sont les motivations de l'institution ? Celle-ci estime que les clauses demandées "présentent un lien suffisant avec le marché", et qu'elles "poursuivent un objectif d'intérêt général [...] sans aller au-delà de ce qui est nécessaire". Les conditions nécessaires à l'applicabilité de cette clause sont donc réunies. Car, argumente l'institution, d'après l'ordonnance du 23 juillet 2015, les clauses à déclarer illégales sont celles qui ne présentent pas un lien suffisant avec l'objet du marché. Par ailleurs, une entrave à la libre prestation de services ne peut avoir lieu que si la clause en question ne poursuit pas un objectif d'intérêt général et n'est pas proportionnée à celui-ci.

 

Une "victoire" pour la région Pays-de-la-Loire

 

Le conseil d'Etat précise toutefois que ces clauses d'interprétariat "doivent être appliquées sans occasionner de coûts excessifs au titulaire du marché", probablement pour ne pas pénaliser financièrement les entreprises qui font travailler des salariés ne parlant pas le français.

 

Interrogés par l'AFP, la présidente (LR) de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais, et son prédécesseur, le sénateur (LR) Bruno Retailleau, se sont félicité de cette "victoire", "désaveu pour ceux qui au plus haut sommet de l'Etat s'opposaient" à ces clauses d'interprétariat. Ils parlent d'une "première digue contre les dérives de la directive sur le travail détaché, protégeant aussi bien le travail local que les travailleurs étrangers".

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