Manuel Valls s'est inspiré du rapport Sirugue, pour annoncer ce mardi 26 mai, que l'employeur n'aura "plus de mesures individuelles à accomplir" systématiquement, et qu'il pourra "se contenter d'appliquer le référentiel de sa branche". A noter aussi le report de six mois, au 1er juillet 2016, de la mise en oeuvre des six derniers facteurs retenus dans le compte pénibilité. Réactions.

Face à la colère des chefs d'entreprises et des organisations patronales -Medef, CGPME, UPA- dénonçant "l'usine à gaz" du compte pénibilité notamment dans le bâtiment, le Premier ministre s'est inspiré ce mardi 26 mai des préconisations de Christophe Sirugue, Gérard Huot et Michel de Virville remises le même jour pour annoncer une nouvelle feuille de route du dispositif.

 

 

Les conclusions tant attendues d'un document dense de 74 pages devront faire l'objet d'amendements au projet de loi sur le dialogue social dont l'examen débute également ce mardi 26 mai dans la soirée à l'Assemblée nationale. "Le rapport de MM. Sirugue, Huot et De Virville réaffirme l'importance de cette démarche mais identifie plusieurs facteurs de complexité et de risques liés à la mise en oeuvre des 10 facteurs d'exposition*, en particulier pour les TPE-PME", a rappelé en préambule le Premier ministre dans son discours.

Fiche individuelle optionnelle

Avant d'annoncer la première annonce : l'employeur n'aura "plus de mesures individuelles à accomplir" systématiquement, il pourra "se contenter d'appliquer le référentiel de sa branche". La fiche individuelle, décriée par les organisations patronales et "lourde" à renseigner d'après les rapporteurs, perd ainsi son caractère obligatoire.

 

Vers des référentiels professionnels adoptés par les branches ?

 

Alors que les auteurs du rapport préconisent, en effet, de confier aux branches professionnelles le soin d'apprécier, sur la base d'évaluations plus collectives, l'exposition des facteurs de pénibilité, "ces référentiels professionnels adoptés par les branches seraient homologués par l'Etat et en cas de contentieux les employeurs qui les suivent seraient sécurisés", a signalé Matignon.

 

"De même que les accords de branche sont étendus par arrêté ministériel, les référentiels professionnels seront homologués par les ministres chargés du travail et des affaires sociales, après instruction par l'INRS ou l'OPPBTP** et après avis du Conseil d'orientation sur les conditions de travail (COCT)", avancent les auteurs du rapport. En cas de contentieux, les employeurs appliquant un référentiel ne pourront pas être pénalisés financièrement. Cela signifie que le poids du dispositif ne pèsera plus seulement sur les entreprises mais que l'administration prendra sa part de responsabilité dans la mise en place du dispositif. Un tel changement suppose alors de modifier la loi.

 

A noter que les employeurs resteront cependant libres d'appliquer eux mêmes les critères d'exposition fixés par le décret s'ils le préfèrent ou s'ils ne sont couverts ni par un référentiel professionnel ni par un accord de branche, précise le document.

"Simplifier la procédure"

Pour simplifier également les formalités liées au compte pénibilité, le Gouvernement retient la proposition du rapport concernant l'établissement et la transmission des fiches individuelles, qui concentrent aujourd'hui les craintes de beaucoup de petites entreprises : "Cette obligation ne reposera plus sur l'employeur, quelle que soit la taille de l'entreprise. Celui-ci se contentera de déclarer en fin d'année à la caisse de retraite les salariés exposés, et la caisse de retraite se chargera d'informer les salariés de leur exposition et des points dont ils bénéficient." Le rapport Sirugue propose, en effet, de simplifier la procédure de déclaration en transformant la fiche individuelle d'exposition en une "déclaration annuelle" à la Caisse nationale d'assurance vieillesse, "via le logiciel de paie".

 

Manuel Valls s'engage aussi à reprendre les propositions du rapport de modifier la définition de certains facteurs, pour la rendre plus précise.

Report de six mois des six derniers facteurs

Si certains facteurs sont faciles à apprécier (travail de nuit, équipes alternantes,…), d'autres supposeraient une connaissance précise des différentes activités réalisées dans l'entreprise et un suivi individuel contraignant comme les facteurs ergonomiques et physique, que toutes les entreprises ne sont pas en mesure d'accomplir, a reconnu toutefois le Premier ministre.

 

"Par ailleurs, les entreprises craignent, au-delà des contraintes et des coûts induits par cette complexité, un fort risque de contentieux", pointent du doigt les auteurs du rapport.

 

 

Autre nouveauté : le report de six mois, au 1er juillet 2016, de la mise en oeuvre des six derniers facteurs* retenus dans le compte pénibilité, les quatre premiers -travail de nuit, travail répétitif, en horaires alternants ou en milieu hyperbare- étant déjà pris en compte depuis janvier 2015.

 

S'agissant du facteur de pénibilité "gestes répétitifs", Matignon souhaite avant tout que "les travaux soient approfondis pour aboutir à une définition opérationnelle plus satisfaisante." Par ailleurs, "une mission particulière sur ce facteur sera conduite afin de formuler d'ici la fin du mois de juillet des propositions permettant d'adapter sa définition à la réalité du travail dans les entreprises industrielles", a avancé Manuel Valls.

 

Enfin, le Gouvernement souscrit pleinement à la proposition des rapporteurs de mettre un accent fort sur la prévention de la pénibilité, par une adaptation des outils et des organisations du travail. "Le futur plan santé au travail en cours d'élaboration en fera un axe essentiel de la politique des pouvoirs publics, de la sécurité sociale et des partenaires sociaux", a conclu Manuel Valls.

Consulter ici le rapport et les conclusions de Christophe Sirugue, Gérard Huot et Michel de Virville sur le compte pénibilité.

*Les 10 facteurs de pénibilité : trois facteurs liés au rythme de travail (travail de nuit, équipes alternantes, travail répétitif), quatre facteurs liés à l'environnement (milieu hyperbare, bruit, températures extrêmes, agents chimiques dangereux), trois contraintes physiques marquées (manutentions manuelles de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques).

 

**INRS : L'Institut national de recherche et de sécurité au travail et l'Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP).

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