CONSOMMATION. Le remplacement des compteurs analogiques par des compteurs communicants est en cours pour le gaz et l'électricité, afin de répondre à une directive européenne. GRDF et l'Ademe ont réalisé une étude technico-économique afin de déterminer les gains totaux possibles en termes d'économies d'énergie grâce à ce déploiement. Zoom.

GRDF s'est lancé dans un vaste projet industriel de déploiement de 2 millions de compteurs communicants, "Gazpar", afin de répondre à une délibération de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) française portant sur l'application d'une directive européenne d'octobre 2012 relative à l'efficacité énergétique. L'Union demande en effet aux gestionnaires de réseaux de distribution de permettre à leurs clients d'accéder plus facilement à leurs données, de facturer sur des consommations réelles et d'optimiser l'entretien et la modernisation des infrastructures de distribution par la détection de fuites notamment. En France, la loi de Transition énergétique pour la croissance verte est venue préciser le rôle du distributeur sur la mise à disposition de données détaillées de comptage.

 

 

Le gestionnaire du réseau de gaz a réalisé une étude, avec le concours de l'Ademe, afin de mettre en évidence les économies que pourrait entraîner le déploiement de ces compteurs intelligents. Quatre territoires pilotes ont été scrutés (Hauts-de-Seine, région lyonnaise, Le Havre et pays de Saint-Brieuc), entre janvier 2016 et avril 2017, où près de 167.000 dispositifs ont été installés. Plusieurs interrogations devaient trouver des réponses : quels dispositifs d'information sur la consommation de gaz peuvent favoriser des usages plus économes ? Quelles actions d'accompagnement faut-il développer pour renforcer l'impact de ces dispositifs d'information ? Comment repérer des profils d'usagers et s'adresser à chacun d'eux ? Enfin quels aspects méthodologiques prendre en compte pour évaluer l'impact en termes d'économies d'énergie ? Pas moins de onze expérimentations différentes ont été menées sur les quatre territoires sélectionnés, portant à la fois sur le "parcours de pose" avec médiation sociale ou parties prenantes externes, le test de l'interface "Mon Espace GRDF" et de l'application de suivi de consommation "Tubà", l'accompagnement de ménages en précarité, de familles ou de bailleurs, ou la gestion des données.

 

De la nécessité d'outils d'information adaptés aux usagers

 

Il ressort tout d'abord que les gains possibles ne sont pas extrêmement élevés, de l'ordre de 1,5 %. Cependant, les consommateurs ont de multiples attentes sur la maîtrise de leur consommation et de leurs données. Mais sous certaines conditions. Deux types de stratégies d'usage ont été identifiées : les passives et les actives. Les premières rassemblent les utilisateurs moins intéressés ou tout au plus curieux, quand les secondes fédèrent les utilisateurs qui souhaitent mieux gérer leur facturation et comprendre leur consommation. Quelle que soit la nature, toutes les stratégies mettent en avant un objectif de réduction des volumes pour des raisons financières ou environnementales. GRDF note : "Un outil de mise à disposition de données trop simple ou trop incomplet limite les usages, voire peut détourner les consommateurs de l'outil. Pour que les ménages puissent réellement s'approprier les données de consommation, un certain nombre de conditions semble nécessaire". Le gestionnaire souligne un besoin de comparaison, à la fois dans le temps et avec d'autres ménages similaires, et la mise à disposition de différentes grandeurs de temps (heure, jour, semaine, mois) afin de mieux identifier des facteurs de consommation. Il estime également nécessaire de proposer des conseils personnalisés pour passer du diagnostic à l'action (réalisation de travaux ou évolution des usages) et des services adaptés aux utilisateurs (outils pédagogiques, challenges). Autre prérequis indispensable : traduire en euros les consommations d'énergie, afin de le rendre plus concrètes en termes de budget. Enfin, GRDF prévoit de rassembler les données au sein d'une même plateforme multi-fluides (gaz, eau, électricité) afin d'éviter leur dispersion sur de multiples sites.

 

La diversité des attentes et des profils de consommateurs montre, pour le gestionnaire, "l'importance que des acteurs tiers s'impliquent, s'emparent des données et innovent pour proposer des services permettant de toucher un maximum de ménages". Il pense aux acteurs historiques de la maîtrise de l'énergie, aux gestionnaires de parcs immobiliers, de chaufferies ou de bâtiments, ainsi qu'aux acteurs du digital. Attention toutefois à la confidentialité et la sécurité des données collectées, qui constituent un sujet d'inquiétude pour une partie des sondés. Ils craignent tout à la fois des erreurs dans les transmissions de données, un détournement commercial pour la proposition de travaux ou de services, voire un repérage de leurs absences pour les cambrioler ! Il s'agit donc d'une caractéristique sensible de ces relevés. "On constate dans cette enquête une plus grande méfiance de l'usage de l'outil numérique chez les franges les plus populaires (…) ainsi que chez les tranches d'âge les plus élevées", fait valoir l'étude.

 

De l'importance de la confiance

 

 

Un peu plus loin, GRDF note : "La communication doit également être ciblée et effectuée à des moments-clés. Le moment de la pose du compteur communicant Gazpar n'est pas le moment le plus propice pour informer sur les données (…) C'est pourtant un moment stratégique pour favoriser l'acceptation du nouveau compteur et faciliter le travail de pose, en expliquant les enjeux et en répondant aux nombreuses questions". L'entreprise note que d'autres moments, comme l'emménagement, celui de la régulation annuelle des règlements mensualisés, la fin des périodes de vacances, le début de la période de chauffe ou après un épisode climatique particulier, seraient tout indiqués pour envoyer des messages aux consommateurs.

 

Le gestionnaire conclut en insistant sur les notions d'accompagnement et de garantie de confiance. Il prévoit de mettre en avant des bonnes pratiques et des retours d'expérience réussis, afin de créer un effet d'entraînement dans la population et d'instaurer un suivi plus poussé pour les catégories de ménages les plus défavorisées, en situation de précarité ou sans accès à Internet. Afin de rassurer les consommateurs sur la sécurité des données, il recommande également l'adoption par les développeurs de services et pouvoirs publics de modalités communes des règles de confidentialité et de gestion du consentement client. Enfin, GRDF assure que la liberté de choix dans la gestion du partage des données sera respectée.

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