La cinquième ville de Hongrie se chauffe à la paille depuis deux ans grâce à une unité de cogénération installée par Veolia. Le bloc remplace une chaufferie gaz et permet de valoriser des ressources locales. A elle seule, l'usine fournit 20 % de toute l'énergie renouvelable hongroise. Explications.

On connaissait la paille comme isolant naturel, mais elle n'était pas encore utilisée comme combustible à une échelle industrielle. A ce titre, l'installation de cogénération de Pécs, en Hongrie, est une première intéressante. Entrée en service voilà deux ans, elle a été conçue par Veolia (à l'époque Dalkia international). György Palkó, le directeur général de la filiale hongroise du groupe français, détaille : "Pécs est la cinquième ville du pays, avec 150.000 habitants (…) La mairie cherchait une solution sur le long terme de mise à niveau de la centrale électrique, pour passer du combustible gaz à la biomasse". L'usine, construite sous l'ère communiste, avait déjà évolué une première fois, passant du combustible charbon au gaz naturel et aux copeaux de bois depuis 2004.

 

Veolia propose alors de remplacer l'unité gaz par une unité alimentée en paille. Grâce à un investissement de 80 millions d'euros, les travaux sont ainsi menés, entre fin 2010 et été 2013. En novembre de la même année, l'usine est mise en service. Techniquement, dans l'immense bâtiment, cohabitent deux blocs distincts : le premier, alimenté au bois, est d'une puissance de 50 MW ; tandis que le second, approvisionné en paille et en tiges de maïs, développe 35 MW. Ces deux sources distinctes permettent d'obtenir 35 MW d'électricité et 70 MW de chaleur. Cette dernière alimente le réseau urbain de la ville, soit plus de 31.000 équivalents logements et près de 450 bâtiments publics. Le maire, Zsolt Páva, déclare : "Je me réjouis que ce projet permette à la Hongrie d'améliorer sa performance en matière d'efficacité énergétique". Car loin de n'être qu'une usine "municipale", l'unité de cogénération biomasse fournit 20 % de toute l'énergie renouvelable hongroise !

 

La ressource biomasse, clef du projet

 

Concrètement, la centrale est alimentée par 400.000 tonnes de bois par an et par 180.000 tonnes de paille. Cette dernière provient de plus de cent agriculteurs du sud-ouest de la Hongrie, implantés à 100 km à la ronde, qui ont signé des accords de fourniture de la ressource sur le long terme. De quoi leur assurer un revenu fixe tout en valorisant une ressource locale et renouvelable. Selon les calculs de Veolia, le passage à la cogénération bois-paille, aurait permis au pays d'Europe centrale d'éviter l'importation de 210 millions de mètres cubes de gaz et l'émission dans l'atmosphère de 400.000 tonnes de CO2 (dont 150.000 tonnes pour l'unité paille seule). Et 170 emplois auraient été créés localement dans les filières d'approvisionnement de la centrale.

 

En France, aucune installation de cette ampleur n'existe encore. Une première unité industrielle a été inaugurée en juin 2013 près de Troyes, et valorise elle aussi à la fois du bois (4,5 MW) et de la paille (3,3 MW) : la chaufferie biomasse alimente un réseau de chaleur tout en consommant 5.700 tonnes de paille par an et 7.600 tonnes de bois. L'échelle est donc toute autre. Un second projet, porté par Energies Vienne, Ambène-Anglia et JMB Energies, prévoyait la construction à Châtellerault d'une centrale cogénération biomasse alimentée en paille de colza et en bois, d'une puissance de 30 MW (12 MW électriques). L'unité aurait couvert les besoins de 42.000 habitants en chauffage, eau chaude sanitaire et électricité. Mais, nécessitant au moins 80.000 tonnes de biomasse par an pour fonctionner, elle a suscité l'inquiétude des écologistes locaux qui estiment que la ressource locale ne serait pas suffisante et qu'il faudrait alors en importer, ruinant l'intérêt de l'opération. Le projet semble aujourd'hui au point mort.

 

La ressource paille en France :
Selon des chiffres de 2011-2012, la ressource théorique s'établit à 25 millions de tonnes de paille produite par an. Cependant, de ce chiffre, l'ensemble n'est pas récoltable, une partie étant enfouie par les agriculteurs pour maintenir la fertilité des sols. La ressource réelle s'établirait plutôt aux alentours de 16,6 Mt dont plus de la moitié est utilisée pour la confection des litières en élevage. L'essentiel de la production française se concentre dans les régions céréalières, Centre, Picardie et Champagne-Ardenne.

 

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