Après avoir obtenu l'aval des banques en janvier dernier pour l'installation de son centre de broyage près de Saint-Nazaire, le nouvel opérateur Ciments Kercim vient de se faire livrer un broyeur de clinker d'une capacité de 100 tonnes par heure. Cet événement relance le débat sur ces indépendants qui importent du clinker et bravent les contraintes réglementaires, au risque de créer des distorsions de concurrence. Explications.

Annoncée depuis plusieurs années, l'implantation d'une usine de ciment à Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique), à quelques encablures de Saint-Nazaire, est désormais plus que concrète. Dernier élément en date, la livraison d'un broyeur de clinker d'une capacité de 100 tonnes par heure, qui permettra le démarrage de la production dès le début de l'année prochaine.

 

A l'initiative de ce projet, Jean-Marc Domange, ancien directeur général de Ciments Calcia et également ancien président du Syndicat national de l'industrie cimentière (Sfic). Cet indépendant, qui navigue dans un secteur dominé par des grands groupes (Lafarge, Holcim, Ciments Calcia ou Vicat), a financé son projet pour moitié sur fonds propres, avec le concours des Vracs de l'estuaire au Havre, une autre cimenterie en cours de création ; l'autre moitié provenant d'emprunts contractés auprès d'un pool constitué de cinq banques. C'est en janvier dernier que le chef d'entreprise a reçu l'accord définitif et complet des banques. Il s'agit donc d'une unité de 15.000 m2 couverts, qui accueillera des broyeurs de clinker et des mélangeurs de poudre de clinker. Le site comprendra également un hall de stockage d'une capacité de 70.000 tonnes de clinker et des équipements d'ensachage pour une production estimée à 600.000 tonnes en vrac ou en sacs. Quatre silos sont présents, d'une capacité de 1.500 tonnes chacun, prévus pour stocker le ciment produit. La production est, elle, destinée, dans un premier temps, aux marchés du Grand Ouest. Au final, l'investissement aura représenté un montant de 44 M€, pour une création de 45 emplois directs à la clé.

 

Une menace pour les grands groupes ?
Mais l'arrivée d'un nouvel opérateur - qui plus est indépendant - ne semble pas du goût de tous. Certes, l'importation de clinker par des acteurs indépendants n'est pas un phénomène nouveau et des projets de centre de broyage comme celui de Kercim ont déjà fait parler d'eux. Si tous n'ont pas vu le jour, la pression est forte quant à leur implantation. Les grands groupes voient en effet d'un mauvais œil ces initiatives, qui viendraient disloquer leurs parts de marché… En janvier dernier, lors d'une réunion avec la presse, l'actuel président du Sfic, Rachid Benyakhlef, appelait à une « compétitivité équitable » sur le territoire français et l'application de lois anti-dumping. Selon lui, des distorsions au sein de la filière se font jour et un risque de fragilisation est bien réel. Cela se traduirait, d'après lui, par des moyens dédiés à l'innovation qui auront tendance à s'amoindrir, ainsi que par une délocalisation de l'approvisionnement du marché français. En clair, le Sfic s'inquiète ouvertement de l'importation de clinkers issus de pays non soumis aux quotas de CO2 - qui seront payants à partir de 2013 - et aux réglementations sociales et environnementales plus faibles. « En France, cela représente environ de 15 à 20% de surcoût par rapport aux ciments produits hors Europe », expliquait-il.

 

Jean-Marc Domange a d'ores et déjà annoncé que son ciment serait vendu moins cher que le prix du marché. Si le prix d'achat d'une tonne de clinker importée coûte environ 40 € et le coût de la tonne fabriquée en France s'élève à 25 €, il reste que l'investissement dans une cimenterie est dix fois plus élevé qu'un centre de broyage. En termes de prix de vente, le ciment issu de clinker importé pourrait donc devenir compétitif…

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