Le "manque à gagner" d'une entreprise à la suite d'une interruption de chantier de plus d'un an aux torts du maître d'ouvrage, ouvre droit à indemnisation. Ce, au même titre que le coût des études et des immobilisations engendrées. C'est ce que rappelle une récente décision de la Cour administrative d'appel de Marseille. Explications de Maître Ganaëlle Soussens, avocat à la cour, spécialisé en droit de la construction.

La Cour administrative de Marseille a déduit, à juste titre, des dispositions de l'article 48 du CCAG Travaux* que l'interruption du chantier pendant plus d'une année oblige le maître d'ouvrage public à résilier le marché à ses torts exclusifs et à indemniser l'entreprise des préjudices qu'elle subit du fait de la résiliation.

 

Et, parmi ces préjudices, figure le "manque à gagner".

 

Rappel des faits. Une commune contracte un marché public pour la construction d'un gymnase. Un premier ordre de service fixe le début des travaux au 12 novembre 2012, tandis qu'un second les interrompt au 13 décembre suivant.

 

Près de cinq ans après, l'entreprise demande à la commune de résilier son marché et de l'indemniser des pertes qu'elle a subies en étant empêchée de réaliser les travaux convenus et d'en être payée. L'entreprise évoquait ainsi le coût des études, des immobilisations et le manque à gagner.

 

N'obtenant pas satisfaction, l'entreprise a saisi le Tribunal administratif qui ne lui a accordé d'indemnisation qu'au titre du coût des sondages et de l'installation de chantier, rejetant ainsi sa demande au titre du "manque à gagner".

 

C'est cette décision que la Cour administrative d'appel de Marseille a désavoué en allouant à l'entreprise des dommages-intérêts en compensation du bénéfice qu'elle n'a pu réaliser du fait de l'abandon du chantier.

 

La Cour rappelle ainsi que les préjudices indemnisables sont : "des frais (…) engagés en vue de l'exécution du marché, et du bénéfice (que l'entreprise) était en droit d'attendre si le marché avait été entièrement exécuté".

 

Dans l'affaire tranchée par la Cour, l'entreprise s'est ainsi vue allouer :

 

- 5.400 € au titre du coût des sondages et de l'installation du chantier.
- Et 22.560 € au titre de la perte de bénéfice, pour un marché d'un montant TTC de 215.859,06 €,

 

Remarquons que l'entreprise a été déboutée de sa demande au titre de son préjudice... moral.

 

* L'article 48.2 du C.C.A.G. travaux dispose que : "Si, par suite d'un ajournement ou de plusieurs ajournements successifs, les travaux ont été interrompus pendant plus d'une année, l'entrepreneur a le droit d'obtenir la résiliation du marché, sauf si, informé par écrit d'une durée d'ajournement conduisant au dépassement de la durée d'un an indiquée ci-dessus, il n'a pas, dans un délai de quinze jours, demandé la résiliation."

 

Retrouvez l'arrêt complet en ligne sur Legifrance

 

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