Alors qu'un pan de montagne instable paralyse depuis le 10 avril dernier la vallée de la Romanche, entre l'Isère et les Hautes-Alpes, un nouveau glissement de terrain d'un volume d'environ 100.000 m³ est survenu ces jours-ci. Le scénario le plus défavorable d'un glissement d'ampleur n'aura finalement pas d'impact sur la structure du barrage du Chambon, nous confirme Bernard Couturier, consultant en géologie à Grenoble et membre du Comité technique permanent des barrages et des ouvrages hydrauliques (CTPBOH).

Ca bouge autour du lac du Chambon. En effet, les travaux de consolidation de la voûte du tunnel de la RD 1091, menacée depuis deux mois et demi avant, ont été suspendus mardi 23 juin jusqu'à ce que le premier effondrement se produise. D'ailleurs, une étape du Tour de France qui devait y passer le 25 juillet, avait été modifiée. Depuis ce jour-là, les événements naturels se sont précipités dans la nuit de dimanche 26 au lundi 27 juillet, un glissement de terrain d'un volume de 100.000 m³, sur une masse totale instable évaluée par les géologues à 800.000 m³, s'étant produit.

100.000 m3 de terrain de couverture et roche altérée

"Le glissement de terrain situé entre 1 et 2 km du barrage du Chambon s'est partiellement rompu dans la nuit de dimanche 26 à lundi 27 juillet, nous précise Bernard Couturier, consultant en géologie et membre du Comité technique permanent des barrages et des ouvrages hydrauliques (CTPBOH). Au final, près de 100.000 m3 de terrain de couverture et roche altérée voire décomprimée ont avancé."

 

Tout en continuant de résister, le phénomène de déformation, de boursouflement et de fissuration, dont le glissement fait l'objet, est observable à l'oeil nu, les vitesses moyennes de déplacement sont désormais supérieures à celles constatées lors de la précédente crise des 4 et 5 juillet derniers, souligne également la préfecture de l'Isère.

 

Et au géologue isérois de préciser : "Alors que le glissement naturel a été instrumentalisé, la plus grande partie des capteurs installés par les géologues sur le site a été emportée lors du mouvement enregistré cette nuit-là." D'après nos informations, il subsisterait deux capteurs sur la quinzaine mis en place initialement. Et des nouveaux moyens d'auscultation sont en cours d'études, menés par la société Sage Ingéniérie, spécialiste en géotechnique.

"Pas de conséquence préjudiciable pour les aménagements hydrauliques en aval"

Dans tous les cas, "il est difficile de faire du prévisionnel car on ne dispose pas de méthode adaptée, observe le consultant en géologie, Bernard Couturier. Un point est sûr : il n'y aura pas de conséquences sur le barrage si l'on reste dans cette configuration. Dans le cas d'un glissement de terrain total des 800.000 m3 potentiels, cela peut créer une vague selon la vitesse plus ou moins importante de la chute mais sans conséquence préjudiciable pour les aménagements hydrauliques en aval."

L'Etat présent, quoi qu'il arrive

Les études d'EDF validées par l'Etat le confirment. "Le scénario le plus défavorable d'un glissement d'ampleur n'aura pas d'impact sur la structure du barrage du Chambon", expliquent la préfecture et le Département de l'Isère. "Les expertises ont montré qu'il n'y a pas d'autre solution que d'attendre, a signalé de son côté le Premier ministre, en visite à La Grave et Villar-d'Arêne (Hautes-Alpes), vendredi dernier. Vouloir accélérer la chute présente des risques importants pour la population. Il semble que l'effondrement puisse arriver assez vite, aujourd'hui même, mais ma laïcité m'empêche de croire aux miracles. Je ne sais pas encore combien de temps il faudra pour créer cette liaison tant attendue. Soit on peut vite rouvrir le tunnel après le glissement, une fois les travaux engagés terminés, soit les travaux seront plus importants, nécessitant une dérivation du tunnel pour un coût de 12 millions d'euros."

 

"L'Etat sera présent, même si ce n'est pas sa compétence", a assuré également le Premier ministre. Avant de préciser que l'"État financera la poursuite des navettes (héliportées) aussi longtemps qu'il n'y aura pas d'alternative pour assurer la liaison des habitants des deux communes isolées."

 

Par précaution, la préfecture de l'Isère a interdit ce dimanche d'emprunter les rives du lac ainsi que le GR50. Des mesures qui viennent s'ajouter à l'interdiction de naviguer sur la retenue et celle de survoler la zone, "sauf pour les aéronefs de secours, de l'État et ceux effectuant les rotations nécessaires aux navettes de population et aux travaux réalisés en rive gauche."

Une piste provisoire en cours de construction sur l'autre rive

A noter que l'Etat s'est engagé à soutenir le département de l'Isère pour financer la construction en quatre mois d'une piste provisoire sur l'autre rive, à hauteur de 20, 30%, voire plus. Son coût est estimé à 5 millions d'euros. "Cet itinéraire en cours de construction ne devrait comporter, sur une partie compliquée du tronçon, qu'une seule voie du fait de risques géologiques et d'avalanche", nous explique une source proche dossier.

 

De plus, l'Etat participera aux études et travaux pour la remise en état définitive de la route. A ce jour, le conseil départemental envisage de percer un tunnel plus profondément dans la montagne sur une longueur de 200 mètres pour contourner la zone du glissement de terrain. Le coût des travaux est évalué entre 10 et 12 millions d'euros mais aucun calendrier n'a été fixé.

 

Enfin, Manuel Valls se dit prêt à "déclencher l'état de catastrophe naturelle en conseil des ministres vendredi prochain. Ce sera la démonstration que l'on est solidaire". Cette étude juridique est toutefois en cours par les ministères de l'Intérieur et des Finances, car ce classement pourrait entraîner des contentieux avec les compagnies d'assurances.

 


Un barrage poids arqué
Le barrage du Chambon est un ouvrage des années 1930 (Ndlr : entre 1925 et 1935) poids de classe A d'une hauteur de 88 m construit au-dessus du terrain naturel et d'une longueur en crête de 294 m. "Sa particularité : c'est un barrage poids arqué en béton traditionnel", rappelle Bernard Couturier, consultant en géologie à Grenoble et membre du Comité technique permanent des barrages et des ouvrages hydrauliques (CTPBOH).

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