La cour d'appel de Lyon doit se prononcer le 13 novembre prochain sur le « cancer du bitume », opposant la famille d'un ancien ouvrier d'Eurovia, décédé d'un cancer, au groupe de travaux publics qui rejette toute responsabilité. Retour sur l'affaire.

Dans l'affaire qui oppose la filiale de Vinci, Eurovia, à la famille d'un de ses ouvriers, décédé d'un cancer, la cour d'appel de Lyon a mis son jugement en délibéré au 13 novembre 2012. Une décision qui intéressera les 4.200 ouvriers qui seraient régulièrement en contact avec le bitume (chiffre estimé par l'Usirf, Union des syndicats de l'industrie routière française). Rappel des faits.

 

En mai 2010, pour la première fois en France, un tribunal des affaires de sécurité sociale faisait le lien entre le cancer de la peau développé par un ouvrier et les fumées toxiques du bitume. Une décision qui soulignait la « faute inexcusable » de l'employeur, Eurovia, qui aurait manqué à son obligation de sécurité et de résultat vis-à-vis de Jose-Francisco Serrano Andrade, décédé en 2008. La sécurité sociale avait reconnu le cancer du salarié comme une maladie professionnelle. Un an plus tard, en mai 2011, la cour d'appel de Lyon a examiné le dossier à la lumière d'un rapport d'experts, confié au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Dijon (CRRMP). Dans un rapport du mois de novembre, le comité établit lui aussi le caractère professionnel de la maladie de l'ancien ouvrier, décédé à l'âge de 56 ans, confirmant donc la première expertise. Le document précise : « L'intéressé a été exposé de façon habituelle aux UV générés par le rayonnement solaire, du fait de ses activités en extérieur », et « aux facteurs de risques » que constituent « les goudrons issus de produits houillés » ou « les huiles minérales servant d'agent fluxant des bitumes ». Pour l'avocat de la famille Serrano, une veuve et ses trois enfants, l'avis du CRRMP « confirme le lien direct entre la maladie et l'activité professionnelle » du défunt. Selon Maître Rinck, l'ouvrier aurait été exposé à un danger pendant 20 ans. Il aurait travaillé « à quatre pattes à étendre le bitume » entre 1986 et 1989, puis aurait eu « le nez dans le bitume » jusqu'en 2002, au poste de conducteur d'engin.

 

Eurovia ne reconnaît pas la faute inexcusable
Une thèse que réfute Eurovia, pour qui M. Serrano n'a jamais été exposé aux goudrons. « Le seul produit qu'il utilisait est une émulsion de bitume, contenant 40 % d'eau et qui n'est pas chauffée à plus de 70° », explique Maître Dana, défenseur du groupe. L'ouvrier n'aurait donc été exposé qu'à des fumées blanches et de la vapeur d'eau. Selon l'avocat, l'exposition au soleil depuis la naissance de M. Serrano au Portugal jusqu'à ses 36 ans (âge de son arrivée en France), serait la seule responsable de la survenue du cancer de la peau sur son visage. Afin d'appuyer son propos et de joindre le geste à la parole, l'entreprise a mené, entre septembre 2011 et juin 2012, une vaste campagne de prévention contre le risque UV : elle a proposé à tous ses salariés un dépistage dermatologique systématique chez un professionnel, le prix de la consultation étant pris en charge par le biais d'un complément de remboursement effectué par les mutuelles d'Eurovia.

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