MARCHES PUBLICS. Lors d'une audience au Conseil d'Etat, le rapporteur public a estimé que la clause Molière, obligeant les salariés en activité sur les chantiers publics à employer le français (ou obligeant le maître d'ouvrage à embaucher des interprètes), n'avait pas lieu d'être. Explications.

La clause Molière pourrait être rendue illégale en Fance d'ici à la fin de l'année. Pour rappel, ce dispositif vise à obliger, sur les chantiers publics, les salariés à employer la langue française. Officiellement, il s'agit ainsi d'assurer la sécurité sur les chantiers. Officieusement, il s'agit surtout de limiter le recours à des salariés détachés en marchés publics.

 

Le rapporteur public du Conseil d'Etat, Gilles Pellissier, s'est prononcé le 22 novembre 2017 contre la fameuse clause du fait du caractère discriminatoire de ce dispositif quant aux entreprises étrangères. Celle-ci avait pourtant été validée, en juillet dernier, par le tribunal administratif de Nantes.

 

Un "effet discriminatoire à l'égard de certains candidats"

 

En l'occurrence, il s'agissait non pas d'obliger à l'emploi de la langue française, mais de l'obligation de recruter des interprètes sur les chantiers. "Sans être aussi clairement discriminante que sa version initiale qui imposait l'usage du français sur les chantiers, la clause litigieuse est susceptible de produire un effet discriminatoire à l'égard de certains candidats et de constituer de ce fait une restriction à la libre prestation de services", écrit le rapporteur public, dont l'avis est généralement suivi pour la décision finale. En effet, selon lui, "les entreprises étrangères, qu'elles interviennent directement sur le chantier ou qu'elles détachent des travailleurs, ont beaucoup plus de chances d'être pénalisées par cette obligation". Ainsi, la clause Molière va à l'encontre des règles de la libre prestation de services.

 

Sur un autre territoire, un autre rapporteur public a par ailleurs proposé, mercredi 29 novembre 2017, au tribunal administratif de Lyon, d'annuler la délibération du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes imposant la clause Molière, nous informe l'AFP. "Je vous propose en conclusion d'annuler la délibération comme entachée de détournement de pouvoir", a déclaré Joël Arnould devant le tribunal administratif.

 

Une intention discriminatoire

 

Le tribunal était saisi d'un recours du préfet de région qui estimait illégalle l'imposition de cette disposition. A l'appui de ses conclusions, M. Arnould a notamment assuré qu'il s'agissait d'une "intention discriminatoire manifeste" dont le but était de "favoriser les entreprises locales". Le tribunal a mis sa décision en délibéré, sans fixer de date.

 

Mais le président de la région, Laurent Wauquiez (Les Républicains), a d'ores et déjà prévenu que si la décision du tribunal "n'allait pas dans (son) sens", il ferait appel, a indiqué son cabinet. Comme plusieurs autres régions, celle d'Auvergne-Rhône-Alpes avait voté le 9 février cette "clause Molière" imposant le français sur les chantiers dont elle est maître d'oeuvre. Saisi par l'opposition régionale, le préfet de région d'alors, Michel Delpuech, avait contesté la légalité de la délibération.

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