NUMERISATION. Si la maquette numérique commence à se répandre dans les étapes de conception, construction, voire d'exploitation, il n'en va pas de même pour la phase de déconstruction. L'utilisation du BIM y est encore théorique et balbutiante. Erwan Le Meur, le président de Federec BTP, et Matthieu Defenin, responsable BIM pour Domolandes, nous exposent leur vision de l'avenir.

Réemploi des matériaux, traçabilité des déchets, simulation numérique des chantiers de déconstruction ou estimation des coûts, les avantages du BIM sont nombreux dans l'ultime phase de vie d'un bâtiment. C'est pourquoi Federec BTP et le technopôle Domolandes sont sur le point de conclure un accord de partenariat sur le sujet, afin d'explorer un terrain encore quasiment vierge. Matthieu Defenin, responsable BIM au technopôle, nous explique : "Les premiers bâtiments conçus en maquette numérique ne seront pas déconstruits avant 30 ou 40 ans. Mais au niveau international, il y a déjà quelques expériences". Au Royaume-Uni notamment, en pointe dans la question du BIM, apparaît déjà la notion de "DRIM" pour "Deconstruction & Recovery Information Modeling".

 

Caractérisation de l'existant et simulation dynamique d'un chantier

 

Un outil informatique, qui s'intégrera dans la démarche de numérisation des constructions et qui abordera les questions de fin de vie, de recyclage et de réemploi des matériaux. Le spécialiste poursuit : "Le projet n'est pas encore entamé mais nous avons déjà quelques lignes directrices pour cet aspect déconstruction qui est peu abordé". La première priorité sera de caractériser les bâtiments grâce à des données sur les matériaux employés, leur nature et leur quantité. "La caractérisation de l'existant se faisant déjà pour les réhabilitations, nous sommes déjà confrontés à cette question", souligne Matthieu Defenin. Grâce à cette modélisation, il sera ensuite possible de procéder à des simulations de chantier de déconstruction, en insérant des modèles virtuels d'engins spécifiques (grues, pelles mécaniques…). De quoi choisir la meilleure option sur la méthode à employer, par rapport à la résistance structurelle du bâtiment, et ainsi optimiser le phasage et la planification des travaux de déconstruction. "Ce sera très pertinent en déconstruction où le niveau de risque est plus important que sur un chantier de construction. La simulation permettra de modéliser l'évacuation des gravats, de mieux visualiser les espaces disponibles, les possibilités d'évolutions d'engins à l'intérieur d'une structure, de détecter des risques de collision lors de manœuvres ou de prévoir des ouvertures", raconte l'expert.

 

Deuxième intérêt, alimenter une "banque de matériaux" potentiellement réutilisables dans d'autres édifices. Mais ce réemploi pose certaines questions : "Comment numériser ces objets, par exemple structurels comme des éléments de béton précontraint ou des poutres métalliques ? Quelles sont leurs propriétés ? Quelle sera leur résistance dans le temps alors qu'ils ont déjà connu une certaine usure ? Faut-il en tester certains ?", s'interroge le spécialiste du BIM de Domolandes. La maquette numérique apportera également un plus en termes de traçabilité, si des objets sont, par exemple, employés dans plusieurs constructions successives. "Ce suivi sera important, qu'il s'agisse de produit de la construction ou de matériaux". Tout l'enjeu sera de bien définir leurs caractéristiques, leur état de fonctionnement et leur conformité à certaines normes. "D'autant que les normes évolueront d'ici là…", ajoute-t-il. D'où également la problématique de la pérennité de la donnée dans le temps, sur des durées de 30 ans ou plus. "Nous travaillons sur les IFC qui en sont déjà à la version 4. Il faut être conscients et confiants sur le fait que des standards open source internationaux seront toujours lisibles à cette période", anticipe Matthieu Defenin.

 

 

Améliorer le taux de recyclage final et diminuer l'empreinte environnementale

 

La banque numérique de matériaux du bâtiment pourra, le cas échéant, également servir à mieux anticiper le recyclage, à défaut de réemploi. "Les informations de la maquette numérique permettront de mieux les valoriser", estime le responsable BIM de Domolandes. Pour Erwan Le Meur, président de Federec BTP, l'outil informatique servira nécessairement à améliorer le recyclage et répondre aux enjeux de l'économie circulaire. C'est pourquoi une mission de préfiguration sur la prise en compte de ces aspects de "recyclabilité" dès la phase de conception sera mise en place dans le cadre du partenariat. Des travaux seront menés avec des groupes de la construction autant qu'avec des sociétés locales pour développer de nouvelles fonctionnalités sous la forme de modules intégrés à la maquette numérique. "Cela constituera un avantage pour les sociétés qui les utiliseront dans le cadre d'une réponse à certains appels d'offres qui comprennent des critères environnementaux", anticipe-t-il. Ces informations pourraient également venir compléter les référentiels de qualité type HQE, BREEAM ou LEED qui prennent en compte l'analyse du cycle de vie et la production de carbone global d'un bâtiment, y compris l'étape finale de son existence. Beaucoup de sujets à déblayer pour Federec BTP et Domolandes qui devraient plancher dessus pendant les trois prochaines années.

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