INNOVATION. Des chercheurs français et britanniques ont découvert une propriété étonnante de la soie d'araignée qui se comporte à la fois comme un solide et comme un liquide. Une capacité qui lui permet de rester élastique tout en présentant une résistance à la traction comparable à un fil d'acier. Des avancées sont à prévoir dans le domaine des tissus synthétiques.

Spider Man n'a qu'à bien se tenir ! Des scientifiques du CNRS (Institut Jean le Rond d'Alembert/UPMC) et de l'université d'Oxford (Royaume-Uni) ont réussi à répliquer le comportement particulier de la soie d'araignée dont la solidité et l'élasticité sont tant vantées. Ils ont mis au point des fibres synthétiques hybrides de polyuréthane qui ont les caractéristiques d'un liquide et d'un solide à la fois. Les chercheurs expliquent que lorsque la soie utilisée pour confectionner une toile est comprimée mécaniquement, alors ses filaments se raccourcissent d'eux-mêmes en s'enroulant dans les gouttelettes de glu qui sont en suspension à leur surface. L'ensemble reste alors totalement tendu, quelle que soit la force appliquée (entre 10 et 140 MPa). Et le processus est entièrement réversible : le fil se débobine instantanément pour reprendre sa forme initiale. Même étirée, la soie a la capacité de reprendre sa taille et sa tension.

 

Des fils biomimétiques au fort potentiel

 

Une particularité extraordinaire qui a été reproduite en laboratoire au moyen de filaments synthétiques et de gouttelettes d'huile de silicone : l'excès de filament est instantanément reconfiguré sous forme de pelote au sein du liquide (voir la vidéo ci-dessous). Dans le cas où la fibre ne serait pas recouverte de gouttelettes, elle se comprime alors "normalement", comme tout solide, en se tordant. C'est donc l'ajout de liquide qui confère la capacité "d'auto-ajustement" de la longueur du fil, assurant une tension continue, quelle que soit la contraction imposée. Fritz Vollrath (université d'Oxford), co-auteur des travaux, décrit "un comportement de treuillage" lié aux milliers de gouttelettes en suspension sur les toiles de capture, et qui renfermeraient suffisamment de tension pour expliquer le mécanisme.

 

 

La découverte pourrait avoir des applications nombreuses dans le domaine de tissus synthétiques, les fils hybrides "solides-liquides" pouvant servir à la fois en science des matériaux, en ingénierie électronique et en médecine. Hervé Elettro, également auteur de l'étude, explique que ces filaments biomimétiques pourraient être fabriqués à partir de tous les composants et permettre la fabrication de structures complexes, micromoteurs ou systèmes auto-extensibles sous tension. Car la soie d'araignée est au moins aussi solide que l'acier, tout en étant plus légère, et son extensibilité (variant de 30 à 200 % selon les espèces) lui confère une énergie de rupture six fois supérieure à celle du Kevlar, l'une des meilleures fibres synthétiques actuelles. De quoi produire des super-tissus et créer un costume de super-héros !

 

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