Quelle solution constructive, du classique béton armé, du récent lamellé-croisé ou des structures bois en plein essor, est la plus économique ? Afin de répondre à cette question, et d'analyser l'origine des différences constatées, Cimbéton a mandaté le bureau Michel Forgue afin de réaliser une étude comparative autour de quatre variantes d'un même bâtiment d'habitation. Découvrez les conclusions.

Le bureau Michel Forgue a été chargé par Cimbéton de réaliser une analyse économique comparative entre les systèmes constructifs béton et bois. Laurent Truchon, directeur délégué Bâtiment chez Cimbéton, explique : "Cette étude a été réalisée dans le cadre d'une veille technico-économique. Car les solutions bois se développent et notamment la technique CLT (bois lamellé-croisé) qui est revenue sur le marché français. Il s'agissait de comparer les performances technique et économique de ces solutions par rapport au béton traditionnel. L'étude a donc été confiée à un cabinet indépendant pour apprendre, analyser les différences et trouver des solutions".

 

Michel Forgue, économiste de la construction, révèle les hypothèses de travail : "Nous sommes partis d'un vrai projet de bâtiment R+7, sans en modifier la géométrie. Il comporte une vingtaine de logements, surtout des T2/T3, un toit-terrasse végétalisé, des portées de 5 mètres, ce qui est assez standard… Quatre solutions structurelles ont été étudiées : un système tout béton (planchers, façades et refends en béton armé), deux solutions à structures légères bois (planchers simple et double ossature, façades et murs séparatifs ossature bois) et une structure en CLT. Pour chacune des solutions, nous avons considéré que le rez-de-chaussée était en béton, afin de faciliter les transferts de charges (décalage possible des porteurs verticaux, sections des poutres moins grandes) et que les étages R+1 à R+7 étaient identiques. Et la surface hors d'œuvre est conservée, comme dans le cas d'un terrain contraint : ce sont les surfaces des logements qui ont varié, en fonction des épaisseurs de parois". Les économistes ont ensuite analysé, géométriquement et économiquement, les différentes options.

 

Une SHAB réduite pour répondre aux exigences acoustiques

 

Première constatation, l'épaisseur des planchers fait une différence sensible : là où le béton permet de réaliser des planchers de 20 cm, elle est plus que multipliée par deux dans le cas des solutions bois (entre 36 cm pour le CLT et 59 cm double ossature bois), pour satisfaire aux exigences de l'acoustique à hauteurs de plafonds identiques. Il est donc possible de monter un étage de plus (R+8) dans le gabarit d'un R+7 bois à double ossature. Du côté des surfaces habitables, même constat : la finesse des structures béton (18 cm pour les murs séparatifs) amène un gain d'espace dans les logements par rapport aux systèmes constructifs bois. Le bureau Michel Forgue précise : "Ces écarts d'épaisseurs bénéficient au béton qui offre, en R+7, +2 % de surface habitable supplémentaire, soit +4,14 m² par étage et +29 m² au total, comparé aux systèmes bois à simple et double ossatures. Il faut compter +25 m² par rapport à l'hypothèse CLT". Cette différence, qui n'est que d'un mètre carré par logement environ, prend beaucoup de sens pour le promoteur, en particulier dans les zones urbaines denses où le prix au mètre carré est plus élevé : le retour sur investissement est plus intéressant avec 1.549 m² de surface habitable dans l'immeuble en béton que dans les 1.520-1.525 m² des immeubles bois. Le prix au mètre carré SHAB atteint ainsi les 1.224 €/m² pour la structure béton contre 1.461 €/m² en bois à ossature simple (+19 %), 1.488 €/m² en bois à ossature double (+22 %) et 1.553 €/m² en CLT (+27 %).

 

"Une grosse différence vient des séparatifs et liaisons intérieurs, avec un écart de coût significatif en faveur du béton", détaille Michel Forgue. L'analyse dévoile que la facture de construction de ces éléments fonctionnels est de 437 k€ pour la solution béton, contre 700 à 818 k€ pour ses équivalents en bois. De même, pour les planchers, le budget est de 182 k€ en béton contre plus de 500 k€ avec le bois lamellé-croisé. L'économiste conclut : "La solution la plus chère est le système constructif complet en CLT qui présente 25 % d'écart avec le béton. Cette dernière, à performance thermique et acoustique égale, est la plus économique. Elle permet de gagner de la surface habitable et donc de valoriser davantage de mètres carrés, ce qui diminue le coût global". Le spécialiste nuance toutefois ces conclusions : "Si nous avions optimisé la géométrie à la solution technique étudiée, cet écart de prix se réduirait et pourrait être de l'ordre de 10 à 15 %". Les solutions mixtes notamment, évolueraient dans cette fourchette de prix. Autre limite de l'étude, purement économique, elle ne tient pas compte de la gestion des déchets de chantier, moins abondants dans le cas d'une construction bois, largement préfabriquée en usine. De même, l'analyse complète du cycle de vie du bâtiment et le bilan carbone n'ont pas été intégrés, puisqu'ils n'ont pas encore d'impact économique. Mais l'évolution de la réglementation et la fixation d'un prix de la tonne de CO2 pourraient changer la donne et venir pénaliser la solution béton classique.

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