Les partenaires sociaux sont parvenus mardi soir à un compromis sur l'assurance chômage, au terme d'âpres négociations où le Medef a finalement fini par céder sur les contrats courts. Conséquence : le président de la Fédération française du bâtiment (FFB), Jacques Chanut a démissionné du bureau du pôle social du Medef estimant que "la ligne rouge avait été franchie". Réactions.

Ce mardi 28 mars en fin de soirée, le patronat (Medef, CPME, U2P) et quatre syndicats sur cinq (CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC à l'exception de la CGT) ont abouti à un accord sur l'assurance-chômage qui prévoit près de 1,2 milliard d'euros d'économies et de recettes nouvelles. Le Medef a aussi accepté une "contribution exceptionnelle temporaire" de 0,05% pour tous les contrats.

 

Face à la presse Alexandre Saubot, vice-président du Medef en charge du social au Medef annonçait tout sourire à la sortie de douze heures de négociations : "Nous nous réjouissons que le dialogue social ait montré son efficacité. Les partenaires sociaux ont su prendre leurs responsabilités en faisant preuve de courage." Une réaction contraire à celle de Jacques Chanut, président de la FFB, qui a décidé le même jour de démissionner du bureau du pôle social du Medef estimant que "la ligne rouge avait été franchie".

 

"Eviter des désaccords profonds"

 

Sept mois après l'échec des négociations en juin 2016 sur une nouvelle convention d'assurance chômage, organisations patronales et syndicales espéraient, en effet, aboutir à un accord d'ici à la fin du mois de mars 2017 sans provoquer des "des désaccords profonds". L'idée étant de faire agréer un nouvel accord par le Gouvernement avant l'élection présidentielle, nous avait assuré Patrick Liébus, vice-président de l'U2P, en février dernier, en ouverture des discussions.

 

Cette nouvelle convention d'assurance chômage est, en effet, "nécessaire", estime-t-il, car elle fixe particulièrement les droits et les devoirs des demandeurs d'emploi indemnisés, des organisations patronales et syndicales et enfin des gestionnaires de l'Unédic.

 

Malgré des "délais très courts, très contraints" avec quatre séances de négociation qui ont eu lieu 7 et 14 mars, 23 mars et le mardi 28 mars, l'accord prévoit, en année de croisière, près de 1,2 milliard d'euros d'économies et de recettes nouvelles pour le régime, qui affiche une dette de 30 milliards d'euros et perd environ 4 millions d'euros par an.

 

"Une contribution exceptionnelle temporaire"

 

Le patronat a notamment lâché du lest au dernier moment sur les contrats courts, point névralgique des tractations, en acceptant de maintenir pendant 18 mois la surcotisation sur les CDD d'usage, qu'il voulait supprimer immédiatement. Sur la question sensible des contrats courts, Patrick Liébus était prêt à discuter, avait-il répété : "Il ne faut pas oublier qu'il y a des artisans qui sont contraints de recourir à ces contrats." Le Medef a aussi accepté une "contribution exceptionnelle temporaire" de 0,05% pour tous les contrats. Elle serait compensée par une baisse des cotisations à l'AGS, l'organisme patronal qui assure le paiement des salaires et indemnités des entreprises en difficulté, a souligné Alexandre Saubot au Medef.

 

Par contre cette contribution, qui s'appliquerait "pour une durée maximale de 36 mois", ne concerne pas spécifiquement les contrats courts puisqu'elle s'appliquerait à l'ensemble des contrats de travail, sauf à l'intérim. En contrepartie, la surcotisation décidée en 2013 sur certains CDD de moins de trois mois serait supprimée. Le texte patronal propose donc aussi d'ouvrir des négociations dans les branches pour en modérer l'utilisation. Et ajoute: "le cas échéant, les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel et l'Etat pourront être interpellés" pour mettre en oeuvre des "incitations".

 

Concernant les séniors, le projet d'accord patronal propose un système par paliers qu'il a adouci au fil des séances. Le patronat a en outre accepté de renoncer à instaurer un plafond d'indemnisation des seniors proches de la retraite. Enfin, sur les règles d'indemnisation, l'idée est d'unifier les règles, dans le but de mettre fin à certaines situations où, à salaire équivalent, des personnes alternant courtes périodes de chômage et courtes périodes d'emploi touchent un revenu global (cumul d'indemnisation et revenu d'activité) supérieur à celui d'une personne en CDI à temps plein.

 

Les négociateurs travaillent sur différents scénarios de "lissage" pour y remédier, en changeant le mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR) pour les allocations chômage. Sont également discutées les conditions d'accès au régime. Dans la proposition du Medef, les salariés qui travaillent au moins 122 jours mais sans atteindre 610 heures ne rempliraient plus la condition d'affiliation.

 

 

L'U2P et la CPME soutiennent l'accord

 

Du côté des réactions, le chef de l'Etat, François Hollande s'est félicité de ce dénouement, jugeant que "le dialogue social dans notre pays en sort renforcé". "Les partenaires sociaux ont montré, comme ils l'avaient déjà fait pour les retraites complémentaires, qu'ils savent assumer leurs responsabilités dans la gestion des régimes paritaires, y compris face à des décisions difficiles, a-t-il ajouté. Le dialogue social dans notre pays en sort renforcé."

 

Enfin, l'U2P fait savoir par voie de communiqué qu'elle soutient le projet d'accord et appelle à faire contribuer les nouvelles formes d'emploi.Et son vice-président, Patrick Liébus d'ajouter: "J'ai encore une nouvelle fois négocié pour l'U2P cet accord. Certain le critique et n'assume pas la responsabilité d'une négociation, où il faut retrouver un équilibre financier de l'assurance chômage."

 

"Aujourd'hui, nous considérons le projet d'accord soumis à la signature des partenaires sociaux comme un texte équilibré, conciliant des efforts de part et d'autre, avec des ajustements relevant de l'équité, a estimé de son côté la CPME ce mercredi. Aux termes de cet accord l'Etat devra, par exemple, contribuer davantage au coût du fonctionnement de Pôle Emploi. Si du chemin reste à faire, ce texte, générant des économies significatives, est donc un premier pas vers l'équilibre financier du régime."

 

Jacques Chanut quitte le bureau du pôle social du Medef
L'accord sur l'assurance chômage auquel sont arrivés les partenaires sociaux ce mardi soir a provoqué des tensions internes au Medef, où le président de la Fédération française du bâtiment (FFB) Jacques Chanut a démissionné du bureau du pôle social.

 

"Une ligne rouge a été franchie: c'est un signe bien négatif à envoyer aux entrepreneurs et aux artisans de France, que de penser qu'une hausse de cotisations, même provisoire, va restaurer l'équilibre du système", a déclaré Jacques Chanut, ce mercredi au cours de la présentation de la conjoncture de la FFB. "C'est perdant pour les entreprises parce qu'on leur ajoute une cotisation, et perdant pour les salariés, parce que plus on met de charges, plus on entretient le chômage dans notre pays", a-t-il expliqué.

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