Craignant qu'EDF ne déclenche à son tour une nouvelle affaire France Télécom", le gouvernement, qui mise sur une privatisation du groupe public d'électricité, a mis sous surveillance la société, dont la direction a décidé de geler les investissements.

Comme France Télécom, EDF s'est lancé depuis trois ans dans une politique d'expansion rapide à l'étranger, et certaines de ses acquisitions, payées au prix fort, risquent aujourd'hui de compromettre l'équilibre de ses comptes.

Sur les 19 milliards d'euros du programme d'acquisitions internationales signés pour trois ans entre l'EDF et l'Etat, plus de 11 milliards d'euros ont déjà été engagés. EDF compte aujourd'hui près de 13 millions de clients hors de France et 30 millions dans l'Hexagone.

Pour faire face à la situation financière délicate du groupe, la direction d'EDF a décidé de geler toute dépense qui ne concerne "ni la sécurité, ni la sûreté, ni le service public", selon le quotidien Le Monde. Le directeur financier d'EDF, Marc Chauvin, aurait averti que "l'équilibre financier ne sera atteint que si la situation en Amérique du Sud ne se dégrade pas davantage".

Ni la direction d'EDF ni le ministère des Finances n'a voulu commenter ces informations. Mais le ministre des Finances Francis Mer, qui lorsqu'il était à la tête d'Usinor a été administrateur d'EDF, a reconnu vendredi sur RTL que la situation de France Télécom ne peut pas "faciliter notre travail de conviction au moment où on présentera des solutions pour mettre sur le marché telle ou telle entreprise".

La situation d'EDF, dont l'endettement atteignait 22 milliards d'euros fin 2001, n'est nullement comparable à celle de France Télécom, qui croûle sous 70 milliards d'euros de dettes. Dans le secteur de l'électricité, les valorisations des sociétés étrangères qui ont été acquises par EDF n'avaient pas enregistré les hausses semblables à celles suscitées par la "bulle internet" dans la sphère des télécoms.

Mais la mise sur le marché d'une partie du capital d'EDF ne sera possible que si les résultats du groupe sont appétissants. Or le PDG d'EDF François Roussely a averti le 30 juillet dernier devant la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale que les comptes pour 2002 allaient probablement "frôler le rouge". L'an dernier, le bénéfice net d'EDF a déjà baissé de 26,2%, à 841 M EUR.

Les résultats 2002 seront en outre amputés des 500 millions d'euros que devait apporter sur le deuxième semestre une hausse des tarifs de 4,9%, à laquelle le ministère des Finances avait donné son accord mais que Matignon a finalement refusée.

Les comptes du groupe français sont particulièrement menacés par l'évolution de ses investissements en Amérique latine, essentiellement au Brésil et en Argentine, pays dans lequel EDF a été obligé d'entamer une procédure contentieuse de protection de ses investissements. En 2001, EDF avait déjà accusé 545 M EUR de pertes opérationnelles en Amérique du sud, auxquelles s'ajoutaient des amortissements de survaleurs importants (603 M EUR pour l'Argentine, et 453 M pour le Brésil).

EDF a indiqué la semaine dernière qu'il était prêt à céder ses petites participations en Europe de l'Est et en Europe du nord. Parmi les actifs d'EDF qui pourraient faire l'objet de cessions figurent la participation détenue en Autriche (20% dans Estag), en Suède (36% dans Graninge) ou en Hongrie (89% dans Bert, 50% dans Demasz). Un retrait de Light, au Brésil, pourrait également être envisagé.

François Roussely, qui indiquait le 3 septembre encore à Johannesbourg que l'Europe constitue "la priorité absolue" dans la stratégie d'expansion d'EDF, devra donner des indications claires sur sa stratégie et l'état de ses comptes mercredi lors de son audition par la Commission des Finances de l'Assemblée nationale.

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