Au lendemain des mesures dévoilées par Fleur Pellerin sur la formation et le rapprochement des métiers de l'architecture avec ceux de la construction, l'Ecole spéciale d'architecture (ESA) annonce la mise en œuvre d'un projet pédagogique et la création des doubles diplômes pluridisciplinaires. L'occasion également pour son directeur, François Bouvard, de faire un point sur le conflit qui a opposé la direction et les étudiants au printemps dernier.

L'Ecole spéciale d'architecture, qui fête cette année ses 150 ans d'existence en tant qu'établissement d'enseignement supérieur -dirigé notamment par des architectes comme Christian de Portzamparc, Odile Decq ou Paul Virilio- ne donne pas l'impression d'avoir été secouée par une crise interne au printemps dernier. Bien au contraire, avance l'école. "C'est déjà du passé", nous confie-t-elle.

Création d'un statut d'enseignant-chercheur, HMONP, ou création des "fablab"

Avant de revenir sur la crise qu'elle a traversée il y a sept mois, François Bouvard, son directeur, et Raëd Skhiri, président du Conseil d'administration ont d'abord salué les trente premières mesures de la Stratégie nationale pour l'architecture (SNA). Et notamment celle de la formation. "La mise en œuvre d'un projet pédagogique et la mise en avant sur la formation et sur l'articulation et le rapprochement des métiers de l'architecture avec l'univers des professionnels de la construction et du cadre de vie vont dans le bons sens", se félicite François Bouvard. D'après lui, la création d'un statut d'enseignant-chercheur ainsi que la mise en place d'une évaluation nationale de l'habilitation de l'architecte diplômé d'Etat à l'exercice de la maîtrise d'œuvre en son nom propre (HMONP) ou la création des "fablab", des incubateurs et autres espaces de coworking au sein des écoles sont aussi des mesures positives.

Nouveaux projets pédagogiques et renforcement des diplômes

Pour engager son développement, l'établissement spécialisé a donc mis en place depuis la rentrée deux nouveaux diplômes : début du double diplôme construit avec l'Ecole Spéciale des Travaux Publics (ESTP) avec l'arrivée des premiers étudiants architectes-ingénieurs et ingénieurs-architectes au semestre 1 ; et la création du nouveau diplôme de Grade 1 validant, à partir de décembre prochain, les études d'architecture du 1er cycle.

 

En détails, la création du nouveau diplôme de Grade 1 valant Licence viendra valider, en décembre prochain, les études d'architecture du 1er cycle conclues par l'enseignement du semestre 6, complètement restructuré autour du projet d'architecture et mené par une équipe collégiale et interdisciplinaire de 20 enseignants, détaille François Bouvard. "Après avoir réformé en profondeur son examen de licence et en travaillant à son nouveau cycle de Master pour un démarrage en mars 2016, nous assurons ainsi notre mission de laboratoire de la formation des architectes", ajoute-t-il.

Politique de stage inédite

Redéfinir les missions des deux cycles de la formation initiale et concevoir, pour chacun et dans leur succession, des actes complets avec leur objet général d'études et leur organisation temporelle s'inscrivait dans les grands chantiers de l'école.

 

De plus, l'ESA accompagne l'obtention de stages en s'appuyant sur le réseau de ses 1.200 agences ayant déjà accueilli ses étudiants et celui des architectes DESA. "On va renforcer clairement notre politique de stage et mettre en place un lanceur de stage", signale le directeur. L'objectif est double : sécuriser le stage pour les élèves et sécuriser aussi l'aspect pédagogique du stage.

 

Ecole spéciale d\'architecture (ESA)
Ecole spéciale d'architecture (ESA) © Ecole spéciale d'architecture (ESA)
Quid après la grève du printemps ?

 

Toutes ces évolutions interviennent après une période agitée. Mais les dirigeants se veulent d'emblée rassurants. Sept mois après la grève symbolique de trois semaines des étudiants, réclamant la démission du directeur, du président de l'établissement et la révocation du conseil d'administration en réponse au licenciement de neufs enseignants de l'école, les tensions se sont clairement apaisées.

 

"Avec un passif de 500.000 euros, la situation financière de l'établissement reste identique à ce jour", déplore tout de même le directeur, qui devait réduire inéluctablement la voilure. "Je précise qu'il n'y a jamais eu de licenciements sec !", complète-t-il. Toutefois, des procédures de licenciement économique envers neuf personnels administratifs et enseignants -responsable de la communication, deux bibliothécaires, un responsable des services techniques, informatiques, de la reprographie, de l'atelier maquette ainsi que la responsable des échanges internationaux-, ont été engagées en mai 2015.

 

En cause notamment, la baisse du nombre d'étudiants inscrits, dont les frais de scolarité (4.000 euros par semestre), représente 90% des sources de revenus de l'établissement. D'après nos informations, ils sont 750 élèves en formation initiale à l'ESA, contre 1.200 à 1.300 il y a quelques années. La même source proche du dossier estime à près de 200 le nombre d'entre eux à vouloir aller voir ailleurs en rejoignant d'autres écoles d'architecture…

Heures de cours revues à la baisse et disparition de certains services ?

Alors qu'un étudiant en 5ème année à l'ESA, porte-parole de la Défense de l'ESA interrogé par Batiactu nous signalait en mai dernier "une réduction de 40 à 50 élèves des premières et deuxièmes années et le limogeage de 15 professeurs architectes en moins de quatre ans !", la direction réfute en bloc. "On n'a pas réduit les effectifs d'enseignants, on a autant d'enseignants en contrat CDI ou type vacataires", affirme-t-elle. Le nombre d'heures été maintenu ainsi que nos services.

 

Depuis le mouvement de grève, les deux ministères de tutelle de l'ESA, en l'occurrence, celui de la Culture, et celui de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, ont diligenté une inspection dont les conclusions seront rendues ces prochaines semaines. "La direction a consacré beaucoup de temps à l'inspecteur, nous sommes très sereins pour la suite", nous confie François Bouvard. Pour rappel : l'Inspection du travail avait notifié son avis refusant les licenciements économiques, établissant la discrimination syndicale, invalidant la prorogation de mandat des délégués du personnel convenue entre la direction et les deux salariés en fonction, et dénonçant l'absence des élections des délégués du personnel.

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