L'analyse du cycle de vie (ACV) fournit un moyen d'évaluation de l'impact environnemental d'un produit, d'un service ou d'un procédé. Appliquée au bâtiment, l'ACV est un outil précieux qui répond à la fois à une demande du marché, à une incitation réglementaire et à des enjeux scientifiques. Mise au point.

L'analyse du cycle de vie permet d'évaluer les impacts environnementaux potentiels d'un système, sur tout son cycle de vie. Cet impact prend en compte l'intégralité de la durée de vie, « du berceau à la tombe », c'est-à-dire depuis l'extraction des matières premières, jusqu'au traitement de fin de vie (mise en décharge, incinération, recyclage), en passant par toutes les étapes de fabrication, de conditionnement, de transport et d'usage. L'ACV est donc un outil reconnu, promu par de nombreux secteurs professionnels : industrie des plastiques, des métaux, automobile, produits électroniques, etc. Le processus itératif en quatre étapes est standardisé par des normes (NF EN ISO 14040 et ISO 14044) depuis maintenant une quinzaine d'années : définition de l'unité de référence pour laquelle est réalisé le bilan environnemental, définition du périmètre d'étude, réalisation du bilan matière-énergie le plus exhaustif possible du système étudié (pour le périmètre retenu), traduction du bilan en impacts en utilisant des indicateurs avec une analyse de la sensibilité et de la robustesse du résultat.

 

L'outil intéresse les produits de construction depuis le début des années 2000. Son utilisation répond à une demande du marché quant aux performances environnementales des bâtiments et à la quantification des impacts, dans un souci de développement durable. L'évolution de la réglementation, à la suite de l'adoption de la loi Grenelle 2, incite désormais le secteur du bâtiment à réaliser des ACV. Les nouveaux articles L111-9 et L111-10 du Code de la construction et de l'habitation préfigurent par exemple un label environnemental prenant en compte l'ensemble du cycle de vie du bâtiment. Un projet de décret et d'arrêté sur la déclaration environnementale des produits de construction rendrait l'ACV obligatoire pour communiquer sur les impacts environnementaux. L'analyse des chiffres montre que les enjeux sont importants pour la France : en effet, le secteur du bâtiment en France représente 43 % de l'énergie finale consommée (> 100 Mtep par an) et un volume de déchets de plus de 40 millions de tonnes (construction et démolition). En parts d'émissions de CO2, le secteur résidentiel-tertiaire (24 %) se place devant les transports (23 %), l'industrie et l'agriculture. D'où l'importance de l'ACV pour le bâtiment.

 

Application de l'ACV au bâtiment
Concrètement, l'ACV dans le bâtiment peut être utilisée à différentes échelles : sur les produits de construction (fiche de déclaration environnementale et sanitaire ou FDES, PEP, EPD), sur les bâtiments eux-mêmes (quantification des performances environnementales) voire sur des îlots ou des quartiers entiers (travaux d'intérêt pour l'urbanisme). Cependant, l'ACV, si elle apporte bon nombre d'indications, reste encore sujette à des verrous techniques. La convergence des calculs énergétiques et environnementaux n'est pas encore réalisée. De même, la simplification des modèles de calcul doit être acceptée afin d'aider à l'appropriation de la méthode par des non experts. Les outils informatiques de calcul devront être fiabilisés et donner des résultats reproductibles d'une solution à l'autre, l'harmonisation n'étant pas encore d'actualité.

 

La méthode ACV, si elle apparaît comme un outil incontournable pour tous les acteurs du secteur (organisations professionnelles, industriels), doit donc encore être consolidée pour répondre aux attentes du marché. Les outils devront être simplifiés et les données fiabilisées. Des démarches de normalisation sont actuellement en cours : outre la norme ISO 15392:2008 qui établit les principes généraux du développement durable dans la construction, la norme prEN 15804 - qui remplacera la NF P01-010 en 2012 - est une norme européenne sur les déclarations environnementales des produits de construction. Et la norme EN 15978 - qui remplacera la XP P01-020-3 en 2012 - porte sur les indicateurs et méthodes de calcul des impacts environnementaux des bâtiments. Toutefois, la France possède dans le domaine une avance importante et une expertise reconnue, grâce à l'implication des professionnels du secteur.

 

Un partenariat d'avenir
Bouygues Construction et le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) ont renforcé leur partenariat autour du projet Benefis, permettant d'améliorer les performances des méthodologies et logiciels existants en matière de gestion du cycle de vie. Le projet, financé notamment par l'Agence Nationale de la Recherche, permettra au duo de travailler avec l'organisme Armines, l'entreprise Izuba et l'association Maison de Qualité.

 

Bouygues et le CSTB vont poursuivre leurs travaux sur le logiciel Elodie (Evaluation à l'échelle de l'ouvrage des impacts environnementaux) entamés voilà deux ans. La solution informatique permet d'évaluer la performance environnementale d'un bâtiment sur tout son cycle de vie. L'outil est relié à la base de données INIES et utilise des fiches FDES pour passer de l'échelle produit à celle de l'ouvrage. En plus des matériaux, l'impact des consommations d'énergie et d'eau du bâtiment en exploitation est également pris en compte.

 

Pour réaliser une ACV, les différents métrés du bâtiment sont saisis (surface des fenêtres, des murs, des cloisons). L'utilisateur sélectionne les différents types de produits disponibles dans la base INIES. En fonction des choix effectués et des données contenues dans les fiches (renseignées par les industriels), le logiciel fournit l'impact environnemental de l'ouvrage à construire.

 

Elodie, développé conjointement par les ingénieurs R&D du CSTB et par Bouygues Construction depuis 2009, devrait prochainement tendre la main à un autre outil de calcul des impacts environnementaux : BETie, du SNBPE.

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