JUSTICE. Plusieurs responsables de Lafarge, dont l'ex-pdg Bruno Lafont, sont dans la ligne de mire de la justice française pour leur rôle présumé dans le financement, par le cimentier, de groupes armés en Syrie entre novembre 2013 et septembre 2014. Eric Olsen, directeur des ressources humaines puis directeur général adjoint à l'époque des faits, a même été mis en examen ce jeudi 7 décembre 2017. Détails.

L'affaire de la cimenterie Lafarge en Syrie s'accélère. Ce jeudi 7 décembre, Eric Olsen, directeur général adjoint au moment des faits présumés (entre fin 2013 et automne 2014), a été mis en examen pour "financement d'une entreprise terroriste" et "mise en danger de la vie d'autrui" et placé sous contrôle judiciaire. Selon l'AFP, qui cite une source proche du dossier, sa caution aurait été fixée à 200.000 euros.

 

 

Deux autres dirigeants, l'ex-président directeur général du groupe cimentier français, Bruno Lafont, et Christian Herrault, son adjoint, avaient été placés en garde à vue dans les locaux du Service national de douane judiciaire, avec Eric Olsen. Ils ont été présentés, ce vendredi 8 décembre, à la justice en vue d'une possible mise en examen.

 

Qui détenait des informations ?

 

Rappelons que la filiale syrienne du groupe, Lafarge Cement Syria, est mise en cause pour avoir versé des fonds à des groupes armés, dont potentiellement l'Etat islamique, afin de maintenir coûte que coûte l'activité de son usine de Jalabiya, dans le nord du pays ravagé par une guerre civile. L'antenne locale aurait entre autres acheté des matières premières (dont du pétrole pour faire fonctionner ses installations industrielles) et payé des droits de passage pour ses camions et employés, ceci en violation d'un embargo décrété par l'Union européenne. Plus d'un demi-million de dollars auraient ainsi été versés à des factions armées.

 

L'enquête menée par la justice française devra déterminer le degré de connaissance voire d'implication de la direction générale du groupe. L'AFP souligne que "les contradictions entre les trois responsables sont nombreuses". Christian Herrault, qui était alors directeur général adjoint, a reconnu, au début de 2017, que le groupe avait été victime d'une "économie de racket" et qu'il avait régulièrement informé Bruno Lafont, son président, de ce phénomène. Ce dernier n'avait alors "émis aucune objection à l'époque", d'après le rapport du cabinet Baker McKenzie, diligenté pour une enquête interne. Mais Bruno Lafont dément : "Pour moi, les choses étaient sous contrôle. Si rien ne me remontait, c'est que rien de matériel ne se produisait", aurait-il assuré en janvier dernier devant les enquêteurs.

 

 

Un scandale aux effets désastreux pour l'image du groupe

 

Outre les trois dirigeants français, trois autres cadres de Lafarge dont deux anciens directeurs de l'unité syrienne de Jalabiya, ont été mis en examen dans cette enquête menée par un juge d'instruction du pôle antiterroriste et deux autres juges du pôle financier. De son côté, le groupe cimentier, devenu entretemps LafargeHolcim, pâtit de cette affaire. Beat Hess, son dirigeant depuis mai 2016, a notamment affirmé dans les colonnes du Figaro, traverser "une phase difficile" avec un "problème de réputation". Il a déjà admis "des erreurs inacceptables que le groupe regrette et condamne" ajoutant que le retrait de ce pays avait été trop tardif. Le président du conseil d'administration qui a déclaré avoir "pleinement confiance en la justice française" a assuré que toute l'aide possible lui serait apportée.

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