Une décision du Conseil d'Etat en date du 6 juillet 2016 va de nouveau raviver les tensions entre le gouvernement et les acteurs du handicap. D'un côté, l'annulation d'un alinéa qui permet de s'exonérer de travaux d'accessibilité sous peine de se justifier ; de l'autre, une disposition sur les sas d'isolement qui vient en contradiction avec ce qui a été déjà dit. Explications.

Le Conseil d'Etat ne saurait-il plus sur quel pied danser en matière d'accessibilité ? D'un côté, il annule une disposition qui réjouit les associations de défense des handicapés, de l'autre, il valide une disposition qui vient en contradiction avec une décision prise par lui-même en mars dernier…

 

Déroger, oui, mais…

 

En effet, dans une décision rendue le 6 juillet 2016, la haute autorité a indiqué que « le dernier alinéa de l'article 1er de l'arrêté du 8 décembre 2014 est annulé ». En clair, il autorise les dérogations seulement si elles sont justifiées. Nicolas Merille, conseiller national 'Accessibilité' au sein de l'Association des paralysés de France (APF), nous explique : « La loi de 2005 disait qu'on pouvait s'exonérer de faire des travaux d'accessibilité dans l'existant, d'un point de vue technique, économique et architectural. Il était possible de déroger à condition de se justifier. Nous, APF, étions d'accord avec cette philosophie qui dit que les dérogations peuvent être possibles dans l'existant, mais en aucun cas dans le neuf. L'ordonnance de septembre 2014, ratifiée par la loi du 6 août 2015, est venue rajouter trois nouveaux motifs de dérogation aux trois déjà existantes dans la loi d'origine, sur les bâtiments existants. L'un d'eux disait que si un ERP se trouvait soit sur un trottoir de moins de 2.80 m, sur une pente de 5% ou avait une marche supérieure à 17 cm, il était automatiquement exonéré. Ce qui venait casser la logique de 2005 ! ».

 

Décision rétroactive

 

D'autant qu'en 2012, un compromis avait été trouvé, à la suite de la constitution d'un groupe de travail initié par la Délégation ministérielle à l'accessibilité (DMA) et certaines branches professionnelles. Ce texte disait que le gestionnaire d'un ERP, s'il justifie de l'impossibilité technique de faire un plancher incliné à l'intérieur du bâtiment, pouvait soit faire poser un plan incliné pérenne, longitudinal à l'entrée à l'extérieur, soit dans le cas où la Mairie refuse, faire poser un rampe amovible. Ce compromis avait ainsi été entériné par les ministères de tutelle, Logement et Développement durable réunis.

 

« Or, l'arrêté du 8 décembre 2014 est venu casser ce compromis, en autorisant plus facilement les dérogations », souligne Nicolas Merille. Et d'ajouter : « L'annulation décidée par le Conseil d'Etat est une belle victoire pour nous, d'autant que la décision est rétroactive ». Conséquence ? Les dossiers d'Ad'AP déposés avec l'exonération permise vont devoir être repris. « Bien sûr, cela va soulever des questions d'ordre juridique, mais c'est une bonne chose car il existe de nombreux cas de figure où un plan incliné ou une rampe amovible sont envisageables. En outre, cette annulation permet de retrouver l'esprit du compromis de 2012 et de revenir à la philosophie de la loi de 2005 », nous confie le conseiller de l'Association des paralysés de France.

 

Contradiction et non cohérence

 

Quant à la question du sas d'isolement, elle soulève bien des inquiétudes. Car la disposition prise dans la décision du 6 juillet 2016 vient en contredire une prise dans un arrêté de mars 2016 ! En résumé, jusqu'à mars, la réglementation rendait impossible le fait de pouvoir faire un demi-tour dans un sas d'isolement. Le Conseil d'Etat qui y a vu là une mise en danger de la vie d'autrui, a rendu le demi-tour possible dans les logements.

 

Un recours inter-associatif a été déposé dans les ERP, visant à aller dans le même sens. Or, la décision du Conseil d'Etat n'a pas retenu cette disposition et se met donc aujourd'hui en incohérence totale avec ce qui a été décidé pour le logement. « Nous sommes très surpris de cette non cohérence. A quatre mois d'intervalle entre les deux décisions, nous ne nous l'expliquons pas ! », nous relate Nicolas Merille. « Avec nos avocats, nous sommes en train de voir ce qu'il est possible de faire. Existe-t-il une procédure qui pointe la non concordance des décisions ? Nous nous donnons du temps pour questionner le Conseil d'Etat », nous a-t-il confié. A suivre…

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