INTERVIEW. Préfiguration de la future réglementation thermique 2020, bâtiments bas carbone et à énergie positive, accélération de la rénovation thermique des logements précaires… Le président du Plan Bâtiment Durable, Philippe Pelletier, revient, pour Batiactu, sur l'action menée en 2015 et sur ses priorités pour 2016.

Batiactu : Le Plan Bâtiment Durable que vous présidez, vient de publier son rapport d'activité 2015. Sur l'année écoulée, quelles sont les actions que vous retenez ?
Philippe Pelletier : Le premier sujet, concerne les bâtiments responsables, la vision de la future réglementation. Nous avons plein de gens au travail et il faut que l'administration se retrouve dans cette vision. Il s'agit d'une préfiguration de la réglementation qui ne sera plus uniquement thermique, mais environnementale et qui prendra en compte l'empreinte carbone du bâtiment tout au long de son cycle de vie, et qui intégrera le bien-être des occupants en termes de confort d'été, de qualité de l'air, d'isolation phonique ou de pilotage/maintenance facilitée des installations connectées. Pour la production d'énergies renouvelables, il faut rester dans l'esprit des bâtiments à énergie positive et raisonner à l'échelle non pas des bâtiments seuls, mais des îlots, quartiers, villes ou agglomérations, de façon à embarquer dans le processus les bâtiments déjà existants et qu'ils se relient à cette énergie douce.

 

"Il ne faut plus que des passoires thermiques soient mises sur le marché locatif !"

 

Batiactu : Et les autres thématiques ?
Philippe Pelletier : Elles touchent à la rénovation. Nous avons conduit plusieurs chantiers, dont l'accompagnement de la loi de Transition énergétique, qui reprend les propositions que nous avions faites, dans son volet Bâtiment. Il y a par exemple la notion d'embarquement de la rénovation énergétique à l'occasion de gros travaux qui avait été portée par le CLER et la FFB. L'obligation de rénovation dans le parc tertiaire est également mentionnée, avec un processus par paliers, jusqu'en 2050, pour augmenter les exigences. Ou encore un vieux sujet, qui traînait depuis 2009, qui consistait à insérer la notion énergétique dans les critères de la décence du logement : il ne faut plus que des passoires thermiques soient mises sur le marché locatif ! C'est passé dans la loi, il s'agit de bien faire comprendre que le bien loué n'est pas un bien ordinaire et qu'il faut être attentif à sa qualité.

 

Batiactu : Justement, où en est-on du programme "Habiter mieux" de l'Anah ?
Philippe Pelletier : Pour la deuxième année consécutive, nous sommes arrivés à obtenir des crédits pour faire en sorte que 50.000 logements en situation de précarité énergétique soient rénovés. J'espère qu'Emmanuelle Cosse (nouvelle ministre du Logement, Ndlr) doublera les actions de lutte contre la précarité en 2016 et que nous passerons à 100.000 logements traités. Ce serait bien, mais cela suppose des financements supplémentaires pour l'Agence nationale de l'habitat. Il s'agirait d'une somme de l'ordre de 150 M€, ce qui est bien moins élevé que le crédit d'impôt.

 

"J'ai un rêve, celui de mettre en mouvement, dans le pays, la rénovation des locaux éducatifs"

 

Batiactu : Quelle est la dynamique des rénovations en France ?

Philippe Pelletier : Dans la première partie de 2015, c'est-à-dire avant les élections régionales, nous avons ancré l'action dans sa dimension territoriale en lançant des Plans Bâtiment Durable régionaux. En tout, 7 régions sur 13 (et non plus 22 grâce au redécoupage) sont déjà mobilisées, et cela fonctionne bien. C'est la démonstration que les progrès se gagnent par les territoires, et non pas en les imposant depuis la capitale. En Franche-Comté, par exemple, où le climat est rigoureux, les exigences sont fondées sur la qualité des rénovations, qui doivent décrocher le label BBC-Rénovation. Tandis qu'en Aquitaine, une région plus tempérée, c'est la massification de l'action qui est privilégiée plutôt que l'exigence thermique. Deux façons différentes d'atteindre le même objectif et concourir à l'objectif national. Cela traduit la diversité de la France et cela répond bien à la singularité des territoires.
A côté de ces rénovations de logements, j'ai un rêve, celui de mettre en mouvement, dans le pays, la rénovation des locaux éducatifs, écoles, collèges, lycées, universités. Car les jeunes deviendraient ainsi des ambassadeurs du sujet. C'est une idée à mener à bien. Les choses mûrissent et nous sommes en discussion avec les collectivités locales, le ministère de l'Ecologie, celui de l'Aménagement du territoire… Je pense que c'est un sujet à traiter directement avec le Premier ministre, étant donné le nombre d'interlocuteurs impliqués. Il faut trouver un moyen d'inciter et de convaincre.

 

Batiactu : Quels seront vos autres chantiers pour 2016 ?
Philippe Pelletier : Cette année, ils consisteront à mener à bien le processus de fabrication de la future réglementation environnementale avec, peut-être, le label Bâtiment Bas Carbone (BBCA) qui pourrait la préfigurer, de la même façon que le BBC avait préfiguré la RT2012. Autre priorité : engager massivement la rénovation des copropriétés. Nous avons déjà lancé une charte volontaire des syndics et 1.000 d'entre eux ont été formés. Il faut à ce titre saluer l'initiative lancée par la Fnaim et Qualitel. Mais il faut faire en sorte que la parole publique soutienne cette action.
Le Plan Bâtiment Durable va continuer à se développer et il y a de la place pour accélérer le processus de rénovation, en s'appuyant sur les territoires. Nous avons vraiment basculé dans l'action : "La rénovation, c'est maintenant", comme dirait un président de la République. Pour la construction neuve, le bâtiment à énergie positive, à l'horizon de 2020, voire 2018 pour les bâtiments publics, a été décidé dès 2009. La chose est donc déjà réfléchie.

 

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