REGLEMENTATION. Dans une tribune parue dans la presse, Alain Griset, le président de l'Union des entreprises de proximité (U2P), a dénoncé les pratiques des plateformes imposant le statut de "travailleurs indépendants". Il revient pour Batiactu sur les problématiques engendrées par cette situation, à l'heure où des statistiques officielles précisent les créations d'entreprises et le climat des affaires observés durant l'été 2019.

Malgré la torpeur estivale, il est des sujets qui cristallisent toujours autant les tensions. Ce 25 août 2019, le président de l'Union des entreprises de proximité (U2P), Alain Griset, a signé une tribune dans la presse pour dénoncer les pratiques des plateformes dématérialisées qui encouragent le statut de "travailleurs indépendants", tout en contournant, selon lui, le droit du travail français ainsi que les règlementations fiscales et sociales en vigueur - on parle "d'uberisation". Une "concurrence déloyale", un "dumping massif et généralisé" pour les artisans, chefs d'entreprises et professions libérales qui, eux, doivent assumer les contraintes légales et administratives. Contacté par Batiactu, Alain Griset est revenu plus en détail sur la teneur de ses propos : "On est, d'une façon générale, sur une ambiguïté créée au même moment que le statut de micro-entrepreneur. Dans l'esprit des Français, le régime de micro-entrepreneur est un statut juridique à part entière, mais ce n'est pas le cas. Il s'agit d'un régime fiscal et social dérogatoire ; un travailleur indépendant est en réalité un chef d'entreprise."

 

 

Des créations d'entreprises, y compris de micro-entrepreneurs, toujours en hausse dans la construction et l'immobilier

 

Une réalité qui s'illustre avec les dernières publications de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) sur les créations d'entreprises (y compris les micro-entrepreneurs) et le climat des affaires observés durant l'été 2019. Il en ressort que le secteur de la construction a comptabilisé 6.766 nouvelles sociétés au mois de juin dernier, puis 7.057 en juillet, soit une progression de 12,2% en cumul sur 12 mois. Du côté des activités immobilières, les créations de structures se sont portées à 2.738 en juin 2019, avant d'atteindre les 2.567 en juillet, ce qui représente une hausse de 19,9% en cumul annuel. Pour rappel, 67.817 entreprises ont vu le jour au cours de ce mois de juillet, tous secteurs d'activité confondus.

 

Bien que la situation économique des nouvelles sociétés, incluant les micro-entrepreneurs, soit visiblement au beau fixe, le président de l'U2P alerte sur les dérives juridiques de certaines pratiques et en appelle à la puissance publique : "Dans la LOM [loi d'orientation des mobilités, qui arrive en nouvelle discussion à l'Assemblée nationale, ndlr], le Gouvernement sait bien que les plateformes utilisaient ce régime pour éviter la qualification en salarié et se rendaient ainsi complices d'un détournement du droit et du non-paiement des cotisations sociales." Pour Alain Griset, la situation est claire : "ou on est travailleur indépendant et donc par définition autonome, ou on est salarié". La situation actuelle engendrerait même une remise en cause de notre système social aux yeux de l'organisation professionnelle.

 

"Il y a une ambiguïté volontairement entretenue par les pouvoirs publics sur le sujet. On va essayer d'intervenir en amont de la nouvelle discussion sur la LOM à l'Assemblée pour que cela ne se fasse pas. Et les 'chartes de responsabilité sociale' prévues dans le projet de loi sont de la rigolade : ce n'est pas comme cela qu'on réglera le problème. Il y a une complaisance de l'Etat dans ce dossier."

 

"Nous acceptons la concurrence mais nous demandons l'égalité de traitement administratif et fiscal"

 

 

Et la jurisprudence tendrait à donner raison à l'U2P : en effet, plusieurs juridictions ont déjà reconnu que les travailleurs indépendants employés par les plateformes de la "nouvelle économie" relevaient bel et bien du statut de salarié. Mais dans ce contexte, quels sont les leviers d'action sur lesquels les professionnels du secteur espèrent jouer ? "On va voir ce qu'on va faire en termes de procédures administratives mais aussi de réorganisation de notre filière et de nos instances représentatives", poursuit Alain Griset. "Une chose est sûre : nous acceptons la concurrence mais nous demandons l'égalité de traitement administratif et fiscal. Tout le monde doit être logé à la même enseigne : soit les mêmes contraintes sont imposées à tout le monde, soit on les supprime pour tout le monde."

 

Malgré cela, les chefs d'entreprises du bâtiment restent confiants : selon l'Insee, le climat des affaires dans le secteur de la construction se maintient à un indice de 111 depuis avril 2019, une stabilité qui conserve une marge confortable au-dessus de sa moyenne de longue période (base 100). Quant à l'indicateur du climat de l'emploi, il tend cependant à se dégrader progressivement : en avril dernier, il s'établissait à 107, mais il s'étiole depuis, tombant à 104 durant ce mois d'août.

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